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Louis Hémon est (il nous faut maintenant dire était, hélas !) un écrivain de naissance bretonne et d’éducation parisienne. D’une famille consacrée à l’étude, fils d’un inspecteur général de l’instruction publique à Paris, il se destina tout naturellement à la littérature et s’y forma complètement. Sa curiosité de débutant le conduisit au Canada et le fit pénétrer jusqu’au plus profond de nos terres neuves, sans le moindre souci des relations mondaines qu’il aurait pu facilement se créer dans les villes. Il fixa son écritoire dans une chaumière, parmi les plus frustes et les plus simples de nos bûcherons-défricheurs, à l’orée des forêts vierges et sauvages, rudes et mystérieuses, où la bise est plus fauve et l’été plus éphémère que dans toute autre partie de la campagne québécoise.

Le bassin du lac Saint-Jean, dont la colonisation n’est commencée que depuis peu d’années, embrasse une étendue d’au moins quatre millions d’acres. Les colons se sont emparés peu à peu des bords du lac qui a 28 milles de longueur et presque autant de largeur. Les nouveaux venus étendent sans cesse le rayon colonisateur, et, vers le nord, les pionniers sont arrivés aux cantons qu’arrosent les rivières Mistassini et Péribonka, deux des nombreuses tributaires du lac Saint-Jean.

Au cours du roman qu’on va lire, Edwige Légaré, le défricheur de peine, raconte « l’implacable vie » que menèrent les colonisateurs des bords du lac, les fondateurs des villages aujourd’hui prospères et dont « les jeunesses ne savent plus ce que c’est que d’avoir de la misère ». Louis Hémon a recherché ces pionniers et les a trouvés dans la vallée de la Péribonka…

Il importe d’avertir liminairement le lecteur français que, de même qu’il aurait raison de nous tenir quelque rigueur de juger la France par un croquis des Landes, il nous désobligerait fort en généralisant l’impression que ce récit lui donnera. Le « pays de Québec » que Louis Hémon a observé n’est pas le Canada, ni même la province de Québec, mais l’extrême nord d’une région de colonisation où s’opère le travail essentiel et pénible des défricheurs. Les Chapdelaine ne sont pas tous les Canadiens, ni tous les paysans canadiens ; ils sont des défricheurs canadiens-français, ils sont exactement nos pionniers, avec leurs mœurs, leur langue et leurs vertus, foncièrement raciales, si l’on veut, mais fort particulièrement conditionnées par l’état du pionnier défricheur et son existence exceptionnellement simple et dure. Et si nous affirmons tout à l’heure que le roman de Louis Hémon est parfait de vérité, c’est à la condition que sa désignation du « pays de