Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/66

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revue quinze jours plus tôt, cela avait effacé tout l’autrefois. Puisque l’on parlait d’elle, pourtant, il se prit à l’examiner de nouveau.

Sa jeunesse forte et saine, ses beaux cheveux drus, son cou brun de paysanne, la simplicité honnête de ses yeux et de ses gestes francs, sans doute pensa-t-il que toutes ces choses-là se trouvaient déjà dans la petite fille qu’elle était sept ans plus tôt, et c’est ce qui le fit secouer la tête deux ou trois fois comme pour dire qu’elle n’avait vraiment pas changé. Seulement il se prit à penser en même temps que c’était lui qui avait dû changer, puisque maintenant sa vue lui poignait le cœur.

Maria souriait, un peu gênée, et puis après un temps elle releva bravement les yeux et se mit à le regarder aussi.

Un beau garçon, assurément : beau de corps à cause de sa force visible, et beau de visage à cause de ses traits nets et de ses yeux téméraires… Elle se dit avec un peu de surprise qu’elle l’avait cru différent, plus osé, parlant beaucoup et avec assurance, au lieu qu’il ne parlait guère, à vrai dire, et montrait en tout une grande simplicité. C’était l’expression de sa figure qui créait cette impression sans doute, et son air de hardiesse ingénue.

La mère Chapdelaine reprit ses questions.

— Alors tu as vendu la terre quand ton père est mort, François ?