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MARIA CHAPDELAINE

constitue de juillet à septembre une véritable industrie pour les familles nombreuses qui vont passer toute la journée dans le bois, théories d’enfants de toutes tailles balançant des seaux d’étain, vides le matin, emplis et pesants le soir. D’autres ne cueillent les bleuets que pour eux-mêmes, afin d’en faire des confitures ou les tartes fameuses qui sont le dessert national du Canada français.

Deux ou trois fois au début de juillet Maria alla cueillir des bleuets avec Télesphore et Alma-Rose ; mais l’heure de la maturité parfaite n’était pas encore venue, et le butin qu’ils rapportèrent suffit à peine à la confection de quelques tartes de proportions dérisoires.

— Le jour de la fête de sainte Anne, dit la mère Chapdelaine en guise de consolation, nous irons tous en cueillir ; les hommes aussi, et ceux qui n’en rapporteront pas une pleine chaudière n’en mangeront pas.

Mais le samedi soir, qui était la veille de la fête de sainte Anne, fut pour les Chapdelaine une veillée mémorable et telle que leur maison dans les bois n’en avait pas encore connue.

Quand les hommes revinrent de l’ouvrage, Eutrope Gagnon était déjà là. Il avait soupé, disait-il, et pendant que les autres prenaient leur repas, il resta assis près de la porte, se balançant sur deux pieds de sa chaise dans le courant d’air frais. Les pipes allumées, la