Page:Hérodote - Histoire.djvu/29

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les eut forcés à lui payer tribut, il pensa à équiper une flotte pour attaquer les Grecs insulaires. Tout était prêt pour la construction des vaisseaux, lorsque Bias1 de Priène, ou, selon d’autres, Pittacus2 de Mitylène, vint à Sardes. Crésus lui ayant demandé s’il y avait en Grèce quelque chose de nouveau, sa réponse fit cesser les préparatifs. « Prince, lui dit-il, les insulaires achètent une grande quantité de chevaux, dans le dessein de venir attaquer Sardes et de te faire la guerre. Crésus, croyant qu’il disait la vérité, repartit : « Puissent les dieux inspirer aux insulaires le dessein de venir attaquer les Lydiens avec de la cavalerie ! — Il me semble, seigneur, répliqua Bias, que tu désires ardemment de les rencontrer à cheval sur le continent, et tes espérances sont fondées ; mais, depuis qu’ils ont appris que tu faisais équiper une flotte pour les attaquer, penses-tu qu’ils souhaitent autre chose que de surprendre les Lydiens en mer, et de venger sur toi les Grecs du continent que tu as réduits en esclavage ? » Crésus, charmé de cette repartie, qui lui parut pleine d’à-propos, abandonna son projet, et fit alliance avec les Ioniens des îles.

XXVIII. Dans la suite, Crésus subjugua presque toutes les nations en deçà du fleuve Halys (excepté les Ciliciens et les Lyciens), savoir : les Phrygiens, les Mysiens, les Mariandyniens, les Chalybes, les Paphlagoniens, les Thraces de l’Asie, c’est-à-dire les Thyniens et les Bithyniens, les Cariens, les Ioniens, les Doriens, les Éoliens et les Pamphyliens.

XXIX. Tous ces peuples soumis et incorporés par Crésus à la Lydie, avaient rendu Sardes florissante et riche. On vit arriver successivement dans cette ville tout ce que la Grèce comptait de sages à cette époque, entre autres Solon l’Athénien. Après

1. « Bias surpassait tous les hommes de son siècle par la force de ses discours. Il faisait de son éloquence un usage différent de celui des autres orateurs, ne l’employant qu’à défendre les indigents opprimés. (Diodor. Sicul.) 2. Pittacus de Mitylène était philosophe et bon politique. Il délivra sa patrie de trois grands maux, la tyrannie, les séditions et la guerre. Ce sage n’était pas encore mort lorsque Crésus monta sur le trône, et il est vraisemblable que ce prince avait déjà fait une partie de ses conquêtes du vivant de son père ; autrement Hérodote n’aurait pas attribué ce conseil à Pittacus, puisque Pittacus n’était plus lorsque Crésus parvint à la couronne. Hérodote croyait donc que Pittacus était encore vivant. (L.)