Page:Hérodote - Histoire.djvu/46

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sous le règne de Léon et d’Agasiclès, les Lacédémoniens, vainqueurs dans leurs autres guerres, avaient échoué contre les seuls Tégéates. Longtemps auparavant ils étaient les plus mal policés de presque tous les Grecs, et n’avaient aucun commerce avec les étrangers, ni même entre eux ; mais dans la suite ils passèrent de la manière que je vais dire à une meilleure législation. Lycurgue jouissait à Sparte de la plus haute estime. Arrivé à Delphes pour consulter l’oracle, à peine fut-il entré dans le temple, qu’il entendit ces mots de la Pythie : « Te voilà dans mon temple engraissé de victimes, ami de Jupiter et des habitants de l’Olympe. J’hésite à te déclarer un dieu ou un homme ; je te crois plutôt un dieu. » Quelques-uns ajoutent que la Pythie lui dicta aussi la constitution maintenant établie à Sparte ; mais, comme les Lacédémoniens en conviennent eux-mêmes, ce fut Lycurgue qui apporta ces lois de Crète, sous le règne de Léobotas son neveu, roi de Sparte. En effet, à peine eut-il la tutelle de ce jeune prince qu’il réforma les lois anciennes, et prit des mesures contre la transgression des nouvelles. Il régla ensuite ce qui concernait la guerre, les énomoties[1], les triécades[2] et les syssities[3]. Outre cela, il institua les éphores[4] et les sénateurs[5].

  1. Corps de troupes de cinquante hommes.
  2. C’est ce que nous appelons dans nos troupes une chambrée.
  3. Les repas communs.
  4. Les éphores étaient au nombre de cinq. On procédait à leur élection tous les ans, le 8 d’octobre. Ils étaient pris dans la classe du peuple. Le premier s’appelait éphore éponyme ; son nom servait à désigner l’année, de même qu’à Athènes celui d’archonte éponyme ; et l’on disait à Lacédémone : Un tel étant éphore. Ils avaient la même autorité que les cosmes de Crète, avec cette différence qu’ils n’étaient que cinq, comme je viens de le remarquer, et qu’il y avait dix cosmes en Crète. Ils servaient de contre-poids à l’autorité des rois, et même ils les jugeaient avec les sénateurs. Comme ils étaient en quelque sortent supérieurs aux rois, ils ne se levaient pas quand ces princes venaient dans un lieu où ils se trouvaient. Cléomènes les fit massacrer, environ 226 ans avant notre ère ; et je crois que depuis il n’est plus question d’eux dans l’histoire. (L.)
  5. Lycurgue ayant remarqué que les princes de sa maison, qui régnaient à Argos et à Messène, étaient dégénérés en tyrans, et qu’en détruisant leurs États ils se détruisaient eux-mêmes, craignant le même sort pour sa ville et pour sa famille, il établit le sénat et les éphores, comme un remède salutaire à l’autorité royale. Les sénateurs étaient au nombre de vingt-huit. Outre cela il y avait cinq nomophylaques, ou gardiens des lois, qui étaient appelés bidiéens ; mais j’ignore par qui ils furent établis. Cependant on pourrait conjecturer qu’ils le furent par Lycurgue. (L.)