Page:Hérodote - Histoire.djvu/61

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et la communiquèrent à Crésus. Alors il reconnut que c’était sa faute, et non celle du dieu. Voilà ce qui concerne le règne de Crésus et le premier assujettissement des Ioniens.

XCII. Les offrandes dont j’ai parlé ne sont pas les seules que Crésus fit aux dieux ; on en voit encore plusieurs autres en Grèce. Il fit présent à Thèbes, en Béotie, d’un trépied d’or qu’il consacra à Apollon Isménien ; à Éphèse, des génisses d’or et de la plupart des colonnes du temple ; et il envoya à celui de Minerve Pronaia, à Delphes, un grand bouclier d’or. Ces dons subsistaient encore de mon temps ; il s’en est perdu plusieurs autres. Quant à ceux qu’il donna aux Branchides, dans le pays des Milésiens, ils étaient, autant que j’ai pu le savoir, semblables à ceux qu’il fit à Delphes, et de même poids. Les présents qu’il envoya à Delphes et au temple d’Amphiaraüs venaient de son propre bien ; c’étaient les prémices de son patrimoine. Les autres, au contraire, provenaient des biens d’un ennemi qui avait formé un parti contre lui avant son avènement à la couronne, et qui avait pris avec chaleur les intérêts de Pantaléon, qu’il voulait placer sur le trône de Lydie. Pantaléon était fils d’Alyatte et frère de Crésus, mais d’une autre mère ; car Crésus était né d’une Carienne, et Pantaléon d’une Ionienne. Crésus ne se vit pas plutôt en possession de la couronne que son père lui avait donnée, qu’il fit déchirer par les cardes d’un foulon celui qui avait formé un parti contre lui. Quant à ses biens, qu’il avait destinés auparavant à être offerts aux dieux, il les envoya alors, comme nous l’avons dit, aux temples que nous venons de nommer. En voilà assez sur les offrandes de Crésus.

XCIII. La Lydie n’offre pas, comme certains autres pays, des merveilles qui méritent place dans l’histoire, sauf les paillettes d’or détachées du Tmolus. On y voit cependant un ouvrage bien supérieur à ceux que l’on admire ailleurs (j’en excepte toutefois les monuments des Égyptiens et des Babyloniens) : c’est le tombeau d’Alyatte, père de Crésus. La base est composée de grandes pierres, et le reste de terre amoncelée. Il a été construit aux frais des marchands, des artisans et des courtisanes. Cinq bornes, placées au haut du monument, subsistaient encore de mon temps, et marquaient par des inscriptions la portion que chacune de ces trois classes avait fait bâtir. D’après les mesures, la portion des courtisanes était la plus considérable ;