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plus simples, au moyen desquels nous distinguons le bien du mal, sont si clairs qu’aucune révélation ne pourrait les détruire. La légitimité et la valeur de toute révélation doivent être au contraire contrôlées au moyen de ces jugements dont on se sert comme mesure. Si l’on rejetait ici la lumière naturelle, on n’aurait absolument aucune mesure. En ce point apparaît chez Bayle une possibilité capable d’atténuer le conflit de la foi avec la science : la possibilité que les instincts naturels et le sens immédiat du vrai et du bien suffisent à constituer le fond de la vie ! Ce fut la tâche du XVIIIe siècle de développer cette possibilité qui avait déjà été saisie par la Renaissance lorsqu’elle découvrit l’homme ; mais la réaction triomphante ne lui avait pas permis de dépasser le cercle étroit des penseurs. Du reste la pensée avait encore besoin d’un plus ample développement.

3. — Pierre Gassendi

C’était surtout Pierre Gassendi qui formait contrepoids à Descartes dans le monde français, mais bien plutôt par sa méthode que par ses résultats. Il voulait être un philosophe empirique et préconisait la perception contre la méthode intuitive et déductive de Descartes. Descartes se hissait aux plus hautes idées, avec plus de rapidité que sa propre méthode ne le permettait, et il était porté à les considérer comme immédiatement fondées dans l’esprit humain ; Gassendi soutenait au contraire que nos idées sont d’origine empirique. L’ouvrage de polémique (Disquisitio metaphysica. Amsterodami 1644) qu’il fit paraître contre Descartes est un des documents les plus intéressants du débat entre l’école empirique et l’école déductive. Si Gassendi termine par des résultats spiritualistes, cela tient à ses fonctions ecclésiastiques, qui lui faisaient une nécessité de concilier la théologie avec la philosophie empirique. Il était né en 1592 à Digne dans le midi de la France, passa en 1617 prédicateur et plus tard professeur de philosophie à Aix. Il quitta cette situation pour accepter un poste de professeur de mathématiques à Paris, fonctions qu’il exerça jusqu’à sa mort (1655). Gassendi avait publié dans sa jeunesse une critique acerbe de la philoso-