Page:Haag - Le Livre d’un inconnu, 1879.djvu/83

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Et j’oublie un moment mon pauvre amour déçu,
Et je sens vaguement et comme à mon insu,
Tandis que le présent de mon âme s’efface,
Le passé consolant y revivre à sa place.

Tel le fils orphelin, un jour triste et lassé,
Vers le toit paternel autrefois délaissé
Revient par un instinct secret, involontaire.
Hélas ! dans la maison muette et solitaire
Il ne retrouve plus tous ceux qui l’ont aimé ;
Pourtant dans ce milieu, longtemps accoutumé,
Quelque chose d’aimant semble rester encore :
Le vieux salon fané, le panneau que décore
Un grand portrait d’aïeul qu’enfant il contemplait
Tandis qu’auprès du feu sa mère l’habillait ;
Et la salle à manger, sa table familière,
Et le seuil dont ses pas ont presque usé la pierre,
Et le perron qu’encombre un épais chèvrefeuil,
À l’enfant retrouvé tout semble faire accueil.
L’humble parterre est plein d’odeurs de violettes,
Les lis ont revêtu leurs plus blanches toilettes,
Les lilas qui sentaient si bon, en mai, le soir,
Ont retardé leurs fleurs pour le mieux recevoir,
Et les roses cachant leurs épines rebelles