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Page:Haase - Syntaxe française du XVIIe siècle.djvu/47

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B. Un pronom personnel et un substantif construits avec de sont souvent coordonnés. Cette construction est rare aujourd’hui, surtout quand le pronom personnel précède le substantif.

Ex. : Je me rends donc sans résistance À la merci d’elle et du sort. (Malh., I, 131, 38.) — Le bien spirituel ou temporel de nous ou de notre prochain. (Pasc., Prov., XV.) — Les iniquités de vous et de vos pères. (Id., Pens., I, 224.) — Cela retarde le mariage d’elle et du roi de Portugal. (La Rochef., Lettr., III, 172.) — Il lui déclara qu’il seroit le Dieu de lui et de ses enfans. (Boss., Hist., II, 2.) — On en triomphe aux yeux de sa sœur et de vous. (Rac., Alex., V, 3, 1464.)

§ 15. L’ancienne langue employait souvent par pléonasme le possessif dans des phrases où la langue actuelle se contente de l’article défini[1]. Il en était encore ainsi au xviie siècle.

Ex. : Si parmi tant d’ennuis j’aime encore ma vie, Je suis mon ennemi. (Malh., I, 254, 5.) — C’est ce qui lui fera élever sa tête. (Corn., Off., IX, p. 212.) — Votre œil en tapinois me dérobe mon cœur. (Mol., Préc., sc. 9.) — Pour moi... je n’ai rien sur mon cœur. (Sév., VII, 292.) — Il reçut sur sa tête un coup de sabre. (Rac., Lettr., VII, p. 108.) — Il demande ses gans, qu’il a dans ses mains, semblable à cette femme qui prenoit le temps de demander son masque, lorsqu’elle l’avoit sur son visage. (La Bruy., II, 7.)

Aussi le possessif est-il souvent employé à la place d’un datif.

Ex. : Siméon... prédit à Marie que le glaive de douleur percerait son cœur [lui percerait le cœur]. (Pasc., Abr., II, 163.) — Il ouvre de grands yeux, il frotte ses mains [il se frotte les mains]. (La Bruy., II, 135.)

Palsgrave (p. 349) fait remarquer que, contrairement à l’anglais, il fallait dire : il me lava les mains et non pas : il lava mes mains ; il lui coupa la tête, et non pas : il coupa sa tête, etc. Malherbe reproche à Desportes d’avoir écrit : Je tourne mes yeux, et veut les yeux (IV, 425 ; C. D. Div. Am. Contre une nuit, etc), bien que lui-même ait écrit : Si parmi tant d’ennuis j’aime encore ma vie (I, 254, 5).

  1. J’ai mal à la tête, et non pas à ma tête. Cependant la langue actuelle emploie encore le possessif quand le substantif est qualifié : j’ai mal à ma pauvre tête.