Page:Hamel - Titien, Laurens.djvu/15

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
11
TITIEN

Titien vit le jour dans un des plus beaux pays du monde. Au débouché sud-est du col d’Ampezzo, sur les confins du Tyrol et du Frioul, la ville de Pieve di Cadore se dresse pittoresquement sur une éminence qui domine le cours encaissé de la Piave, au pied de la gigantesque muraille des Alpes, en vue des bizarres découpures des Dolomites. Par là passe un des chemins les plus directs qui mènent d’Italie en Allemagne, de Venise à Nuremberg et Augsbourg. La race est robuste et pauvre, race de mineurs et de bûcherons. Les Cadorins passent pour gens d’esprit avisé et pratique, de volonté tenace. Dans ce décor de nature majestueuse et charmante, Titien naquit en 1477, d’une famille fort ancienne et qui depuis le xive siècle jouait un rôle dans la vie municipale. En 1321, un ser Guecello, fils de Tommaso di Pozzale, est cité comme podestat de Cadore. Ses descendants, avocats ou notaires, s’y font estimer autant par leur valeur que par leur science du droit. Plus tard, le nom semi-germanique de Guecello s’adoucit en Vecello, qui devient la désignation patronymique de Vecelli. Le père de Titien, Gregorio, jurisconsulte et soldat, un oncle du peintre et son frère aîné Francesco, se signalent en 1508, dans la guerre qui mit aux prises les lansquenets de Maximilien avec les bourgeois de Cadore et les troupes de Venise. De cette race qui joignait l’énergie du Nord à la souplesse d’esprit méridionale, Titien hérita le tempérament vigoureux, la puissance de travail et de volonté. Peut-être doit-il encore à ses origines montagnardes, une certaine âpreté au gain,