Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/56

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Desreynes, autant par fatigue que par inquiétude, examinait les choses avec l’attention scrupuleuse que conservent nos sens au milieu des stupeurs de la raison ; une curiosité tenace le tracassait de toucher l’étoffe des murs et de faire jouer la fenêtre sur ses gonds ; il avait des gestes de locataire ou d’acheteur et hochait parfois la tête en signe d’approbation ; quand ses hôtes s’éloignèrent, il se retourna vers la porte fermée et prit une joie d’enfant à se retrouver seul.

Il s’assit, et, les mains sur les jambes, comme un Bouddha, il contempla le sol.

— Réfléchissons… Il faut réfléchir. C’est bien : je vais réfléchir.

Mais ses idées flottaient sous un brouillard. Il aurait voulu coordonner les sensations et les pensées qui couraient en lui sans repos ; il était semblable à un homme qui s’acharne à dénombrer les chiens d’une meute : tout bougeait ; mais sans cesse, cette même et stérile pensée revenait par-dessus les autres, et ressassait assidûment : « Je vais réfléchir. »

Les fleurs du tapis absorbèrent son analyse. Ce jaune mourait délicieusement dans le demi-deuil d’un fond violet…

— Est-ce elle, ou n’est-ce pas elle ? Que faut-il faire ?… Il est bien évident qu’un tapis doit être d’un dessin et d’une couleur très sobres… Au fait ? Que ce soit elle ou non, je ne toucherai jamais à la femme d’Arsemar. Il n’existe donc aucun sujet de souci :