Page:Haraucourt - La Légende des sexes, poëmes hystériques, 1882.djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 137 —


Et c’était cette soif lubrique de vampire
Qui colle ses suçoirs sur l’homme turgescent ;
Qui, s’enivrant des sucs masculins qu’elle aspire,
Va puiser l’âme au fond du sang !

C’était plus qu’on ne rêve et plus qu’on ne devine,
Ce que nul être humain n’a conçu ni chanté :
C’était tout ce que peut l’érection divine
Travaillant dans l’éternité.

Oh, ce que j’ai connu dans cette heure sublime :
L’immensité d’un rut peuplant les Univers,
Et ma sève, coulant à remplir un abîme
Plus insondable que les mers !

Tout ce que j’ai goûté d’indicibles ivresses !
Les siècles de coït passaient comme des jours,
Et j’aimais en un jour des milliers de maîtresses,
Et toujours… Toujours… Et toujours !

Rêve, hélas ! Et depuis qu’il leurra ma pensée,
Je traîne dans mon cœur l’impuissance d’un vœu
Et l’âpre souvenir de ma force passée,
Moi qui suis homme, — et qui fus dieu !