Page:Haraucourt - La Légende des sexes, poëmes hystériques, 1882.djvu/150

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Toi qui lis dans ma vie, et qui sauras peut-être
Le lourd secret que nul ne doit jamais connaître
Et qui me fait pleurer, le soir, comme un enfant :

En souvenir de moi, je te donne ce livre
Où mon rut exalté se dresse, triomphant ;
Ceux qui passeront là pourront m’entendre vivre.

J’ai tiré les rideaux de mon lit, grands ouverts ;
Je n’ai honte de rien, et je crie à pleins vers
Quand l’amour bienfaisant descend sur ma torture.

Plus corrompu que nous, le siècle n’aime pas
Qu’on se souvienne d’être un fils de la nature,
Et qu’on dise tout haut ce qu’il pense tout bas ;

Il veut qu’on soit poncif et qu’on chante les roses,
Les bois, les vingt printemps et les hivers moroses ;
Il faut rougir d’être homme et renier sa chair.

Ah, qui nous rendra l’âge où la grâce était nue ?
L’âpre splendeur du vrai rendait le beau plus cher,
Et la pudeur dormait, hérésie inconnue ;