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LA PEUR

bien ! tant pis, n’y pensons plus ; tant mieux, c’est réglé. Va pour la mort. Bonsoir !

Je m’abandonnai à ma lassitude, dans une résignation qui me coûtait peu, et qui comportait même une espèce de mieux-être, à cause de l’apaisement où je fus dès lors. Assez vaguement, je songeai que ma céphalalgie était produite par une anémie cérébrale, due à la perte de mon sang ; sûr désormais de mourir à brève échéance, et consentant à mourir, je souhaitais que la solution arrivât le plus tôt, avant la période des trop vives douleurs.

Le chatouillement d’un liquide épais et qui coule persistait sur ma peau, mais plus faible.

— Est-ce que je meurs ?

Je n’avais pas la sensation de m’épuiser davantage, et mes douleurs n’augmentaient pas. J’attendais, néanmoins. Je finis par m’étonner d’attendre si longtemps.

— Je ne souffre guère… Comment se fait-il que je souffre si peu ? Je ne meurs donc pas ? Le sang est presque froid… Si ce n’était pas le mien ?…

Alors, seulement, je me souvins que d’autres créatures avaient partagé mon sort.