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les demi-civilisés

— Tiens, c’est vous, Max ? dit-elle avec une indifférence affectée. Je ne vous croyais pas ici. Comment allez-vous ? Vous n’avez pas changé. Vous désirez causer ? Pas tout de suite, voulez-vous ?

— Tout à l’heure, à la prochaine danse ?

— Non, elle est promise… à deux autres. À la quatrième, je suis à vous. Attendez-moi sur la véranda, du côté du fleuve. Je vous y rejoindrai.

L’air frais me fit du bien. Mon cœur battait si fort que j’avais besoin de respirer. Accoudé à la balustrade de la galerie profonde, je regardai l’eau qui coulait, toute noire, en bas du cap Diamant. Un navire était ancré dans le port. On n’en voyait guère que les lumières, rouges et vertes, à la poupe et à la proue. Le bateau passeur de Lévis promenait sur l’eau sa masse d’étoiles. À mes pieds, sur la promenade de ceinture de la Citadelle, des couples attardés passaient, et j’entendais leurs chuchotements mêlés à la musique de danse qui gémissait derrière moi.

Des souvenirs historiques m’envahissaient ; on aurait dit qu’ils rampaient le long de la falaise, comme des ombres inquiètes, et remontaient vers le bruit de cette fête. Je me rappelai que c’était au bas de ce rocher, un peu plus vers ma gauche, que, le 31 décembre 1775, à quatre heures du matin, Montgomery était tombé pour avoir offert vainement la liberté aux Canadiens.

Un étrange dialogue sembla sortir du fond de mon