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les demi-civilisés

tère. J’ai une expérience à tenter avec vous, M. Hubert. Ne vous fâchez pas si je me sers de vous pour une expérience.

— Je remplacerais volontiers vos jouets d’enfant. Vous auriez entre vos mains Seigneur Polichinelle. Libre à vous de défoncer sa tête pour en vider le contenu.

— Exactement… pour voir ce qu’il y a dedans.

— Voilà qui est franc.

— Et amusant.

— Avez-vous fini de faire de l’esprit ? dit Meunier. Laissez-moi vous expliquer… Moi aussi j’obéis aux ordres de ma fille. Elle prétend que vous voulez écrire, que vous avez du talent et qu’il vaut la peine de vous aider. Vous allez étudier le projet d’un magazine…

— D’une revue, rectifia Dorothée.

— Oui, d’une revue qui représenterait ce que ma fille appelle les idées de la jeune génération. Au fond, je m’en fiche ! des idées des jeunes. Vous êtes un tas de petits emballés et de casseurs de vitres. L’âge vous mettra du plomb dans l’aile… et dans la tête. Quand vous saurez qu’on ne gagne pas d’argent à écrire et à gueuler, vous reviendrez à la vieille méthode, qui consiste à rentrer dans le rang, à profiter sagement des occasions qui empêchent de mourir dans la crotte. Pour en revenir à votre entreprise, j’y souscrirai pour plaire à ma fille. En aurez-vous assez de cinquante mille dollars ?

Cette brusquerie, cette sorte de contradiction entre les paroles du début et le geste final, me surprit telle-