Page:Harvey - Marcel Faure, roman, 1922.djvu/135

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Ce soir d’octobre, à huit ans de distance, il se rappelait très bien l’ère d’intrigue féroce qui avait vieilli son cœur de vingt ans. Il se revoyait au milieu de ses associés, tous intimidés par son regard qui les scrutait. La discussion s’était engagée. L’un des hommes qu’il croyait son bras droit s’était levé et avait proposé que l’ancienne direction fît place à une nouvelle. Il avait eu des approbateurs. La majorité avait semblé consentir au chambardement. Alors Marcel s’était levé, très calme et très digne. Il avait offert sa tête à ceux qui l’avaient mise à prix ; mais avant de descendre du socle où il s’était élevé de lui-même, il leur avait dit ces simples mots : « Je vous ai faits ce que vous êtes. Profitez de la puissance que je vous ai donnée pour m’arracher des mains une œuvre que j’ai conçue et exécutée, et que vous devrez désormais terminer. Je vous quitte avec regret, mes amis. Vous renvoyez Achille sous sa tente. Je souhaite que vous puissiez vaincre sans lui. » Il n’en avait pas dit plus long ; mais il avait prononcé ces paroles avec tant de pitié pour eux, et ils comprirent si bien qu’ils ne seraient rien sans lui, qu’ils furent unanimes à le réélire.

Toutes les souffrances du fondateur de Valmont lui étaient venues de ses lieutenants.