Page:Harvey - Marcel Faure, roman, 1922.djvu/41

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çon : elle ignorait tout de l’homme et de l’amour. Son ignorance et sa beauté la perdirent.

Un jeune ami de M. Faure, Clément Prévost, remarqua, un jour, les qualités aristocratiques qui transparaissaient dans les chairs blondes et les formes élancées de la jeune fille. Comme elle passait, légère, presque glissant sur la pointe des pieds, dans le fumoir où tous deux causaient affaires, Clément s’interrompit : « Quelle est cette belle gamine ? »

— C’est ma servante, répondit machinalement Faure.

— Elle est crânement jolie… C’est dommage tout de même… Si j’avais un trottin comme ça chez moi, je commettrais des bêtises.

— Mon vieux, j’évite ces bêtises. Il me semble que je ne me consolerais pas d’avoir été l’initiateur illégitime d’une vierge, fût-elle la plus belle du monde. La jeune fille déflorée, si elle est abandonnée, prend généralement deux voies : l’égout ou le désespoir ; dans le premier, elle est un danger pour la société ; dans le second, elle s’alanguit ou meurt.

Les deux amis se turent. Faure resta quelque temps songeur. Il se rendait compte du danger qui pesait sur la protégée de sa femme. Elle semblait fatalement condamnée, car, n’appartenant déjà plus, par le raffine-