Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 2.djvu/127

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utile aux écrivains qu’elle intéresse ; ce sont toujours ceux qui en profitent le moins, et la raison en est claire. L’amour-propre qu’elle a blessé ne sent que la piqûre de ses traits, et, tout occupé de ce qu’il croit son injure, il ne voit plus ni les fautes qu’on lui montre, ni le vrai qu’on lui fait apercevoir. Aussi toute critique, même la plus pure de passion, de personnalité, d’intérêt, change-t-elle à présent de nom, et sous le nom de satire est-elle devenue odieuse.

Cependant on se garde bien de s’élever directement contre l’utilité de la critique, qui ne pourrait plus faire une question que chez les Cosaques ou les Tartares, s’ils s’avisaient jamais d’écrire : on affecte, au contraire, d’en sentir la nécessité plus que personne ; on feint même de l’aimer pour le bien des lettres, pourvu qu’elle soit adoucie ou compensée par les louanges qu’on croit encore plus mériter. Mais, comme on aimerait beaucoup mieux qu’il n’existât point de critique, sous prétexte de prêcher la politesse aux littérateurs, on cherche à leur insinuer l’esprit de dissimulation, de flatterie et de fausseté, dont on a pris le caractère, comme si tous ces faux ménagements pour la sensibilité d’un homme que personne n’a forcé d’écrire pouvaient intéresser le public, à qui l’on doit la vérité.

Les gens de la haute littérature (car il s’est introduit, depuis quelque temps, dans certains bureaux d’esprit qui prétendent représenter pour la capitale, une orgueilleuse distinction dont nous ferons part à nos lecteurs), les hauts lettrés donc ou leurs suppôts, emploient maintenant, pour décrier la critique, un moyen mis en usage avant eux, mais qui n’a jamais si bien réussi : c’est de diffamer ceux qui l’exercent, et par des inquisitions aussi fausses qu’odieuses, par les personnalités les plus outrageantes qu’on se permet exclusivement, en parlant toujours de politesse littéraire, de les noircir publiquement, de les déchirer en toute occasion. On leur prodigue les noms de Zoïles ; on les compare aux Algériens qui vivent de destructions ou de rapts : comparaison que l’on prétend même avoir été adoptée par l’abbé Desfont. Nous n’avons connu ce critique qu’environ deux ans