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Ce mot lâché par Bayle est significatif et trahit une disposition chez lui instinctive, le fort, ou, si l’on veut, le faible de son génie. Ce mot lui revient souvent ; le côté de l’amusement de l’esprit le frappe, le séduit en toute chose. Sa curiosité est insatiable, il se met à la fenêtre et regarde passer chaque chose. Les nouvelles même l’amusent ; il est nouvelliste à toute outrance.

On peut encore reprocher à l’auteur des Nouvelles de la République des Lettres l’abus de la dialectique, qui dessèche et ôte à la sensibilité ce qu’elle donne à la pénétration. La dialectique, qu’il pratiqua d’abord à demi par goût, à demi par métier, étant professeur de philosophie, avait fini par le passionner et par empiéter un peu sur sa faculté littéraire. Vers les dernières années de sa vie, lui-même avoue qu’il est dégoûté de tout, excepté des matières de raisonnement. On comprend par là le froid accueil qu’il fait aux pièces d’éloquence, l’espèce d’incrédulité qu’il apporte en jugeant ces grands enchanteurs du cœur et de l’oreille, les poètes, qu’il appelle des pousseurs de beaux sentiments, et qu’il considère assez volontiers comme une espèce à part, sans en faire une classe supérieure. D’une autre part, ce désintéressement où il était, pour son compte, dans l’éloquence et dans la poésie, le rendait plus complet, plus fidèle, dans son office de rapporteur de la république des lettres.