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M. Meunier de Querlon, dans sa huitième feuille, du 19 février, à l’article des livres nouveaux, fait une nouvelle sortie contre M. l’abbé de La Porte sur les plaintes de ce dernier de n’avoir pas assez loué le Porte-feuille d’un Homme de Goût, compilation de cette espèce du facteur littéraire : il donne à entendre que l’éloge du Mercure, que cet éditeur met en opposition avec celui du feuilliste provincial, est sans doute plus fade, puisqu’il est vraisemblablement de la façon de cet abbé. M. Meunier révèle, à cette occasion, une charlatanerie trop commune, par laquelle un auteur est le panégyriste de son propre ouvrage. Il était réservé, en effet, à notre siècle, de montrer cette impudence dont ne s’était pas encore avisé l’amour-propre de nos auteurs, quelque grand, quelque chatouilleux qu’il ait toujours été.


L’abus que la paresse des journalistes a introduit de faire faire par les auteurs eux-mêmes les annonces de toutes les analyses de leurs ouvrages est poussé au point que ces messieurs se prodiguent sans pudeur les éloges les plus outrés. Voici comment M. d’Arnaud annonce, dans l’Avant-Coureur, la deuxième édition prétendue de son drame du Comte de Cominges :

« Nous nous empressons d’annoncer la seconde édition de ce drame, que le public a déjà vu avec tant de plaisir ; les corrections que l’auteur vient d’y faire lui assurent de nouveaux applaudissements. Le véritable génie, toujours modeste, se contente difficilement et cherche sans cesse le mieux… Ce drame d’ailleurs est une de ces productions qui se font lire et goûter, et qu’on aime mieux voir tout entière que par morceaux… M. d’Arnaud est fait pour avoir les plus grands applaudissements dans la carrière difficile du théâtre… On ne saurait trop l’exhorter à travailler dans ce genre ; nous ne faisons que rendre les sentiments du public : il se manquerait à lui-même s’il négligeait la gloire qui l’attend sur la scène… En dépit des satyriques, le vrai mérite est en lui accueilli. L’homme modeste ne doit jamais se décourager, malgré les cris de l’envie : ne faut-il pas que les réputations mûrissent[1] ? »

  1. Mémoires secrets, mai 1765, février 1766.