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ments où il est furieusement auteur » ; il y a bien des soupers qu’on n’égaie qu’en mettant sur le tapis l’abbé Desfontaines ou J.-B. Rousseau : « Oh dame ! c’est là que l’homme reste et que le héros s’évanouit. Il serait homme à ne point pardonner à quelqu’un qui louerait Rousseau. » Et pour les louanges, « on les aime à toutes sauces, surtout quand on dit des injures à cet abbé Desfontaines. » — « Un mot de ses adversaires le met ce qui s’appelle au désespoir ; c’est la seule chose qui l’occupe et qui le noie dans l’amertume. Je ne puis vous donner l’idée de cette sottise qu’en vous disant qu’elle est plus forte et plus misérable que son esprit n’est grand et étendu. ».

Adulé comme il l’était, Voltaire ne pouvait s’habituer à l’idée de compter avec un misérable folliculaire. Il ne soupçonnait pas la puissance du journalisme, puissance telle, dit M. Ch. Nisard[1], alors même qu’elle s’ignore, que le journaliste le plus chétif n’aurait rien à redouter d’une lutte avec le plus vigoureux athlète de la presse qui n’aurait pas un journal à sa disposition. Considérez en effet quels avantages énormes, incalculables, un journaliste retire de la faculté d’entrer en lice tous les jours, de parler tous les jours à vingt, trente, quarante, cinquante mille lecteurs, de leur parler seul,

  1. Les Ennemis de Voltaire, deux très-intéressants volumes, pleins de faits et de révélations, dont je me suis beaucoup aidé dans cette partie de mon travail.