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de son amitié ; il m’en coûte de le traduire un moment sur la scène, Je voudrais arracher de sa vie le feuillet du triomphe de l’Écossaise, comme la muse de l’histoire, à Chantilly, déchirait celui des victoires du grand Condé contre sa patrie ; mais la reconnaissance ne saurait parler plus haut dans mon cœur que cet instinct irrésistible de morale, de justice et de philanthropie, destiné à entraîner tout homme de bien qui, en présence de ses contemporains, ne voit que la postérité. Oui, je le déclare avec franchise, l’Écossaise, jouée sur le théâtre de l’Athènes moderne, avec l’autorisation d’un gouvernement sans principes et les applaudissements tumultueux d’un public qui ne juge pas, mais qui se venge, est un délit d’un ordre majeur qu’aucune considération littéraire ne saurait expier. Jamais l’histoire ne pardonnera au ministère désorganisateur de Louis XV d’avoir laissé traîner dans la fange, sans jugement préliminaire des tribunaux, le nom de Fréron, tout couvert d’opprobre qu’il était, et encore moins les noms couverts de gloire du créateur d’Émile et d’Helvétius, dans la comédie des Philosophes. Ces deux scandales sont une tache ineffaçable pour la monarchie dégénérée qui avait eu un siècle de Louis XIV.


Voltaire a osé tout cela et bien plus encore contre Fréron, et le gouvernement l’a toléré, et le monde s’en est amusé ; mais que Fréron en insinue seulement, bien bas, la millionnième partie contre Voltaire, et il sera bien heureux s’il échappe à la Bastille ; sa feuille est confisquée quand sa liberté ne l’est pas. À peine lui passe-t-on la plaisanterie la plus innocente en réponse aux injures les plus atroces. C’est ainsi qu’on lui fit toutes sortes de difficultés pour un compte rendu en charge de la première représentation de l’Écossaise dont il voulait égayer ses lecteurs. Et pourtant il y avait