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que Sa Majesté ne voulait plus en entendre parler, qu’elle avait décidé, du moins, que cette feuille ne serait plus rédigée par les mêmes personnes, et qu’il se présentait des compagnies qui en sollicitaient le privilége en offrant des sommes considérables, etc. Des avis si alarmants pour les propriétaires d’une entreprise qui rend aujourd’hui plus de cent mille francs de produit net les ont déterminés enfin à s’adresser à M. Suard, à le supplier très-humblement de vouloir bien sauver leur propriété en la mettant sous l’abri de son nom, et de recevoir pour prix de sa complaisance un quart ou du moins un cinquième des bénéfices. La délicatesse de notre académicien n’a pas cru devoir accepter une pareille proposition ; mais après beaucoup d’instances, et de la part des malheureux propriétaires, et de la part de M. le garde des sceaux, qui les protége, il s’est enfin laissé persuader à recevoir, avec le titre de rédacteur du journal, un traitement fixé par le roi, avec un petit intérêt particulier dans l’affaire, qui puisse la lui rendre encore plus personnelle. On estime que les deux objets réunis ne passeront guère quinze à vingt mille francs ; c’est ce que son désir d’obliger a pu obtenir de sa délicatesse. Grâce à cet arrangement et à quelques autres sacrifices moins connus, le privilége vient d’être rendu aux anciens propriétaires, MM. Corancez, Romilly, Cadet et d’Ussieux ; mais M. Suard sera seul responsable de l’usage qu’ils en pourront faire à l’avenir. Ce risque là, sans doute, vaut bien la peine qu’on le paie généreusement.


Voici maintenant la complainte de l’infortuné Corancez :

Enivré du brillant poste
Qui me rendait important,
Je menais d’un train de poste
Le public et son argent.
Au fait de mon ambassade
Du reste n’entendant rien,
Je pouvais être malade
Quand Sautreau se portait bien.