Page:Hauvette - Littérature italienne.djvu/298

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lui paraissaient également respectables : l’unité d’action et la variété des épisodes. Il renonça dans ce but à l’ « ordre dispersé » qui avait prévalu dans le Roland furieux et dans l’Amadis : les histoires d’amour, de combats, de sortilèges s’enchaînent dans le Rinaldo avec une rigueur, dont le principal défaut est de s’appliquer à une fable qu’il est impossible de prendre au sérieux.

De bonne heure aussi, l’amour inspira au Tasse des poésies élégantes et faciles, pour une Lucrezia Bendidio, qu’il avait rencontrée à Padoue, et pour une Laura Peperara, dont il s’éprit à Mantoue. Malheureusement le ton de galanterie, qui dominait alors dans les cours, et certains artifices de style d’un goût discutable enlèvent souvent à l’inspiration amoureuse du Tasse son accent de sincérité, à moins qu’elle ne s’abandonne à une sensualité pleine de langueur. Au reste, beaucoup de ces poésics étaient de simples exercices de rhétorique sentimentale ou d’adulation, imposés alors à tout poète courtisan ; et la bonne grâce avec laquelle il s’acquittait de ses devoirs de rimeur à la mode ne contribua pas peu aux succès mondains dont il connut trop tôt peut-être l’ivresse. Lorsqu’il fit son entrée à la cour de Ferrare (1565), attaché d’abord au cardinal Luigi, et un peu plus tard au duc Alphonse II, sans être d’ailleurs astreint à aucun service déterminé, il dépassait à peine la vingtième année. Élégant et beau, plein de confiance en lui-même, déjà célèbre, il se vit fêté par tous, et en particulier par la sœur du duc, Lucrèce, duchesse d’Urbin, qui le réclamait souvent à sa cour. Ce furent les années les plus brillantes et les plus heureuses de sa vie. Elles allaient être couronnées par un triomphe : à son retour de divers voyages, en France à la suite du cardinal (1570-71), et à Rome en compagnie du duc (1573),