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Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/186

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CONTES ÉTRANGES

— Au nom du ciel ! s’écria Owen, qui se trouva d’un bond près de lui, ne faites pas cela si vous ne voulez pas que je devienne fou. La moindre pression de votre doigt peut me ruiner à jamais.

— Ah ! Ah ! mon garçon, fit le vieil horloger, c’est donc ainsi ? Eh bien, comme il vous plaira, mais je vous préviens que c’est le mauvais esprit que renferme ce mécanisme. Voyons, voulez-vous que je l’exorcise ?

— C’est vous qui est mon mauvais esprit, répondit Owen exaspéré, vous et ce monde injuste et grossier qui me comble d’amertume. L’inertie, l’abattement où vous me jetez, voilà les seuls obstacles que j’aie à surmonter. Il y a longtemps sans cela que j’aurais achevé la tâche pour laquelle la nature m’a créé.

Hovenden secoua la tête avec ce mélange de mépris et d’indignation que le monde déverse sur les âmes simples et naïves qui cherchent leur voie en dehors des sentiers frayés ; puis il se retira avec un sourire dont l’expression railleuse poursuivit jusque dans ses rêves le jeune artiste, qui, près de se mettre à son mystérieux travail, se replongea dans la sinistre torpeur dont il était sur le point de s’affranchir.

Cependant cette nouvelle somnolence n’était qu’apparente à mesure que s’avançaient les beaux jours, il abandonna les travaux confiés à ses soins et permit au temps, personnifié dans les montres et les horloges, d’errer tout à son aise au milieu de la confusion totale des heures.

Il gaspilla, comme on disait par la ville, toute la belle saison à parcourir les bois, errer dans les champs ou s’asseoir au bord des ruisseaux. Là, comme un véritable enfant, il se