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Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/30

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CONTES ÉTRANGES

ques instants, il constata que la marque de naissance, très-visible un moment auparavant sur la mate pâleur de Georgina, s’effaçait insensiblement et perdait peu à peu sa netteté primitive. Ainsi l’arc-en-ciel, après une pluie d’orage, déploie le prisme éclatant de ses sept couleurs qui pâlissent bientôt, se confondent et disparaissent.

— Par le ciel ! je ne la vois plus, dit Aylimer avec ravissement.

Il écarta les rideaux qui masquaient la fenêtre ; une franche clarté envahit la chambre, il regarda sa femme : la petite main avait disparu.

En même temps un strident éclat de rire lui révéla la présence d’Aminadab.

— Ah ! vile créature de fange, dit-il avec une joie frénétique, que tu m’as bien secondé cette fois ! La matière et l’esprit ont fait leur devoir. Ris, bête brute, ris, tu le peux maintenant.

Ces exclamations réveillèrent Georgina, qui se regarda dans un miroir que son mari lui présentait. Un sourire céleste erra sur ses lèvres, lorsqu’elle reconnut l’absence de cette marque si fatale à son bonheur ; cependant elle tourna vers son mari un regard plein d’une poignante anxiété.

— Mon pauvre Aylimer ! murmura-t-elle.

— Pauvre, non pas, mais riche de bonheur et d’orgueilleux amour, trésor sans pareil, telle que je t’avais rêvée.

— Mon pauvre Aylimer, répéta la jeune femme avec une inflexion plus tendre, vous m’avez noblement aimée ; ne vous reprochez donc point d’avoir, dans une conception sublime, involontairement rendu à la terre ce corps qui