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Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/44

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CONTES ÉTRANGES

Tout en marchant au hasard dans le jardin, Béatrix s’était approchée de la fenêtre du jeune homme, qui fut obligé de pencher la tête pour ne pas la perdre de vue. À ce moment, un bel insecte, attiré sans doute par les pénétrantes émanations du jardin de Rappaccini, franchit le mur et s’en vint d’un air craintif voltiger sur les plus belles fleurs, comme s’il n’osait se poser sur ces plantes dont l’odeur aussi bien que la forme lui étaient inconnues ; puis, s’approchant de Béatrix, il se mit à décrire autour d’elle des cercles de plus en plus étroits, secrètement attiré par cette fleur humaine sur la tête de laquelle il semblait prêt à se fixer. Giovanni le vit-il réellement ou son imagination se plut-elle à l’égarer de nouveau ? Je l’ignore. Mais il crut voir, tandis que Béatrix regardait le petit être ailé avec une joie enfantine, le pauvre insecte tomber à ses pieds. Ses petites ailes s’agitèrent convulsivement, ses pattes se raidirent ; il était mort, mort sans autre cause apparente que l’haleine embaumée de la jeune fille. Pour la seconde fois, son visage s’assombrit et elle s’éloigna tristement du cadavre de l’insecte.

Un mouvement involontaire de Giovanni attira les regards de Béatrix, et elle aperçut à sa fenêtre la belle figure du jeune homme, plutôt grecque qu’italienne, et qui semblait un marbre de Phidias animé par un nouveau Prométhée.

En se voyant découvert, Giovanni, sans avoir conscience de son action, lui jeta le bouquet qu’il tenait à la main.

— Signora, dit-il, ces fleurs sont pures et inoffensives ; gardez-les pour l’amour de Giovanni Guasconti.

— Merci, signor, répondit Béatrix, d’une voix harmo-