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Page:Heine - Intermezzo lyrique, traduit par Charles Beltjens,1888.djvu/13

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Pour rendre à mon cœur solitaire
La joie impossible à troubler,
Dans ce pays, loin de la terre,
Que ne puis-je enfin m’en aller !

Ce pays merveilleux en rêve
Bien souvent m’apparaît, la nuit ;
Mais, hélas ! quand le jour se lève,
Comme une ombre il s’évanouit !


XLIV


Oui, c’est toi que j’aimai, toujours toi que j’adore ;
Et le monde pourra s’écrouler sans retour,
En flambeau triomphant, plus brillant que l’aurore,
De ses sombres débris renaîtra mon amour.


XLV


Par un matin d’été splendide,
J’errais tout seul dans le jardin ;
Les jeunes fleurs, groupe candide,
Causaient tout bas de mon chagrin.

— À notre sœur ; me dit chacune,
Avec un regard douloureux,
Cesse donc de garder rancune,
Lamentable et pâle amoureux ! —


XLVI


Dans sa splendeur mélancolique
Mon sombre amour luit, enchanté,
Comme une histoire fantastique
Racontée une nuit d’été.

— « Dans un jardin plein de mystère,
Aux voix des rossignols charmants,
La lune rêve, solitaire ; —
En silence y vont deux amants.

La vierge a l’air d’une statue :
Le chevalier tombe à genoux ;
Survient un géant qui le tue ;
La belle échappe à son courroux.

L’amant couché sur la poussière,
Le lourd géant part sans souci, »
— Mettez sur moi six pieds de terre,
Vous aurez la fin du récit.


XLVII


Ils m’ont exaspéré, navré mon cœur de peine,
Fait blêmir de chagrin, fait détester le jour,
D’aucuns avec leur haine,
D’autres par leur amour.

Ils m’ont fait avaler du fiel à coupe pleine,
Ils m’ont empoisonné le pain de chaque jour,
D’aucuns avec leur haine,
D’autres par leur amour.

Mais celle à qui revient la palme souveraine,
Pour avoir dévasté mon bonheur sans retour,
Je n’ai connu sa haine,
Ni connu son amour !


XLVIII


Sur ta joue en fleurs, ma mignonne,
L’été brillant met sa splendeur,
Et dans ton petit cœur frissonne
Le morne hiver en sa froideur.

Mais vienne le temps qui se joue
De tout décor, et, froid moqueur,
Il mettra l’hiver sur ta joue
Et l’été brûlant dans ton cœur.


XLIX


Quand deux amants se quittent,
Ils se donnent la main ;
Ils soupirent, s’agitent
Et sanglotent sans fin.

Nous deux sans trop d’alarmes.
Nous fîmes nos apprêts ;
Les soupirs et les larmes
Ne sont venus qu’après.