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sentir que l’absence totale de passions, s’il pouvoit en exister, produiroit en nous le parfait abrutissement, et qu’on approche d’autant plus de ce terme qu’on est moins passionné[1]. Les passions sont en effet le feu céleste qui vivifie le monde moral : c’est aux passions que les sciences et les arts doivent leurs découvertes et

  1. C’est le défaut de passions qui produit souvent l’entêtement qu’on reproche aux gens bornés. Leur peu d’intelligence suppose qu’ils n’ont jamais eu le desir de s’instruire, ou qu’au moins ce desir a toujours été très foible et très subordonné à leur goût pour la paresse. Or quiconque ne desire point de s’éclairer n’a jamais de motifs suffisants pour changer d’avis : il doit, pour s’épargner la fatigue de l’examen, toujours fermer l’oreille aux représentations de la raison ; et l’opiniâtreté est dans ce cas l’effet nécessaire de la paresse.