Page:Henri IV - Lettres Missives - Tome1.djvu/155

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vaulx, et d’aultre part, fraischement, la ville du Pont-St-Esprit a esté-saisie, ensemble monsr de Thoré et les gentils-hommes de sa suite, par le capitaine de Luynes[1], ce qui m’a donné occasion, à mon grand regret et contre ma premiere desliberation, de pourveoir en ceste ville à la seureté de ma personne, pour ne tomber aux inconveniens de pareilles surprinses.

Et parce, Messieurs, que ce sont tous commencemens et comme avant-coureurs d’une alteration de la paix publique, et que nous avons assez esprouvé à noz despens que toutes nos guerres et divisions du passé n’ont servi que de nous reduire souvent jusques à cette extremité de toucher au doigt la ruine et dissipation generale de ce Royaulme, esquelles si nous rentrions à present, il n’en fault moings attendre que de voir ralumer un feu inextinguible et une guerre irreconciliable par toute la France, et consequemment une ruine inevitable ; à ceste cause, il est temps de nous desciller les yeulx, pour n’estre abusez et empeschez, par les artifices accoustumez, à prevoir l’horrible orage qui dejà nous menace, et le prevenir par tous bons et legitimes moyens, comme il est aisé, si nous voulons y apporter une bonne et sincere volonté et droicte intention. Car, puisque le Roy mon seigneur a assez desclaré qu’il desire l’entretenement de son dict edict, qui est une loy de concorde solennellement faicte soubs la foy et auctorité publique, et qu’il entend que chascun vive selon iceluy en paix et tranquilité, il est besoing que vous tous, Messieurs, tant de la Noblesse que du Clergé, des villes de ce pays en general, et chascun de vous en particulier, vous accordiez unanimement à faire obeïr Sa Majesté, à suivre et executer cette sienne volonté et desclaration. Et puisque la conservation, le repos, et le salut du peuple est la plus juste et equitable de toutes les loix approuvées

  1. « On disoit tout haut qu’il ne falloit plus garder la foy aux huguenots, mais rompre l’edict qu’ils avoient extorqué par force. Ce que l’on commença à confirmer par des effets, Honoré d’Albert, dit le capitaine Luynes, ayant chassé Thoré de la ville du Pont-Saint-Esprit, et mis garnison dans la place pour s’assurer de ce passage sur le Rhosne. » (Mézeray, Abrégé chronologique.)