Page:Henri IV - Lettres Missives - Tome1.djvu/175

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apporté de la part du Roy mon seigneur pour arrester une trefve particuliere jusques au dix de ce mois, tendant à fin d’en avoir une plus longue et durable, pour avoir meilleur et plus seur moyen de faire un pourparlé de paix[1], le sr de la Chevalerye[2], qui avoit esté depesché vers le Roy mon dict seigneur, pour luy faire entendra ce qui avoit esté ainsi accordé et advisé, est de retour depuis deux ou trois jours, lequel ne rapporte aulcune prorogation de trefve, mais bien le consentement et permission du Roy mon dict seigneur, pour faire le dict abouchement pour la negociation de la paix, et a apporté le passeport necessaire pour ceulx qui se doivent trouver à la dicte conference avec mon oncle monsieur de Montpensier, au xxve de ce mois à Bagerac[3]. Entre lesquels monsr le premier president de Toulouse[4] estant nommé, j’ay envoyé le sr de Caseneuve[5] vers luy pour sa seureté, pour l’accompaigner jusques où sera mon dict oncle ; n’ayant aussi voulu faillir par mesme moyen de depescher vers vous Aubigny[6], present porteur, pour vous tenir adverty de tout ce que j’ay

  1. Le maréchal de Damville qui, dans son gouvernement de Languedoc, s’était rendu indépendant, et que les divers partis cherchaient à se concilier, venait de faire avec les protestants un accord dont le texte a été imprimé par dom Vaissète. (Hist. du Languedoc, t. V ; preuves, p. 246.) Le même historien remarque (l. XL, t. V, p. 358) que cette lettre du roi de Navarre contribua à consolider ce traité, qui, malheureusement pour les religionnaires, ne fut pas de longue durée. Mais dom Vaissète n’accompagne d’aucune note explicative cette lettre, dont il donne simplement le texte dans ses preuves.
  2. Il était fils d’Adam des Escotais, seigneur de la Chevalerie au Maine, mort le 28 janvier 1574, et de Renée de Souvré, fille de Jean Ier, seigneur de Souvré.
  3. C’est la ville de Bergerac, appelée aussi quelquefois Bragerac. Ces nombreuses variations dans la manière d’écrire un même mot, surtout les noms de lieux ou de personnes, sont, comme nous l’avons dit, un des caractères du temps.
  4. Jean d’Afis, premier président au parlement de Toulouse, de 1562 à 1581. Il eut pour successeur l’infortuné président Duranti.
  5. Le Caseneuve dont il est ici mention pourrait être un sieur de Fabas, seigneur de Caseneuve.
  6. Théodore Agrippa d’Aubigné ou Aubigny, seigneur des Landes et de Chaillou, fils de Jean d’Aubigné, seigneur de Brie, et de Catherine de l’Estang, né le 8 février 1550, gentilhomme de la chambre du roi de Navarre, dont il suivit la fortune, sans l’aimer ni en être aimé. Il devint maréchal de camp ; gouverneur des îles et château de Maillezais, vice-amiral de Guienne et de Bretagne, mourut à Genève le 29 avril 1630, et fut le grand-père de madame de Maintenon. D’Aubigné ayant vécu au centre de la cour, en a peint les vices et les travers dans les deux satires si mordantes intitulées : Le baron de Fœneste et la Confession de Sancy. Les allusions dénigrantes en sont principalement dirigées contre Henri III et le duc d’Épernon. Dans un genre plus élevé, d’Aubigné s’est illustré comme historien par celui de ses ouvrages qui, sous le titre d’Histoire universelle, s’étend de l’année 1550 à l’année 1610. Les mémoires de sa vie semblent parfois participer des deux genres. Il a pris trop de part à tous les événements qu’il raconte pour s’être montré toujours impartial ; néanmoins rien ne pourrait suppléer à beaucoup des renseignements qui nous sont parvenus par ces deux derniers ouvrages. Il a consacré à la négociation dont il est question ici tout le chapitre vii du l. III, t. II, de son Histoire universelle. On y voit qu’outre la mission ostensible de remettre cette lettre au maréchal de Dampville, il avait à examiner secrètement ce qu’il pouvait y avoir d’accord entre le maréchal et la cour.