Page:Henri IV - Lettres Missives - Tome1.djvu/310

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choses, Monseigneur, que je trouve bien estranges, j’ay pensé de vous les representer, et vous envoyer ceste plaincte par Jouye, l’un de mes secretaires, exprez pour vous supplier trez humblement de considerer que la prise de Mende, qui n’a esté faicte de mon sceu ni de mon consentement, est ung faict particulier[1], dont ceulx de la Religion en general portent beaucoup de desplaisir ; que lors de la prise de Langon, de la Reole, de Figeac, de Montignac, de l’entreprise sur Pamiers et de tant d’autres occasions qui se sont presentées, ceulx de la Religion se sont toujours contenuz. Ils n’ont rien excité qui peust divertir le bien commun de la paix. Nous en avons requis la restitution par les plus faciles moyens, et avons patienté autant qu’il nous a esté possible, pour crainte de retourner aux miseres de la guerre. Et maintenant nous voyons que sur le malheur d’un pareil cas en l’une de ces choses, on s’alarme de tous costez par l’artifice et les desseings de ceulx qui ne demandent que guerre, en rejettant la haine et l’envie sur nous. Et pour ce qu’ils ont (comme je me doubte) assez tasché de vous imprimer ceste opinion, que nous en sommes les aucteurs ou instigans, que nous la voulons, que nous l’attirons, je vous supplie trez humblement, Monseigneur, me faire cest honneur de croire que pour mon particulier je n’ay rien que j’abhorre tant. Toutes nos eglises en general ne desirent que la paix, comme estant leur bien et leur conservation. Que si d’une part et d’aultre se font aulcunes entreprises, comme il n’y en a que trop, c’est à nostre trez grand regret. Nous vous avons faict entendre nos plainctes, presenté noz supplications, esperé les remedes de vostre clemence et bonté, et recouru à vostre justice. Et cependant si j’ay pensé pouvoir avancer le fruict de la paix par quelque moyen ou expedient, je n’ay refusé aulcune peine ou travail pour y parvenir. Cela seul avec l’instante priere des Estats du Languedoc m’avoit faict acheminer en Foix, m’aboucher avec le dict sr de Montmorency. Et

  1. « Le capitaine le Merle, grand voleur, prit Mende : mais ce fust plustost pour son compte que pour celuy de son party, car il en eut tout le butin, et son party n’eut que la hayne de ses horribles brigandages. » (Mezeray, Abrégé chronolog.)