Page:Henri IV - Lettres Missives - Tome1.djvu/329

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

je devrois avec plus de soing, de labeur et d’affection apporter tous mes moïens pour appuyer, deffendre, conserver et maintenir cest Estat, qui, tellement esbranlé par sy frequentes recheutes, mal-aisement se pourra relever. Et comme le medecin qui neglige son malade, ou pour une medecine luy donne quelque poison, l’on me rendra du tout coupable des maulx qui pourront advenir, par faulte d’y apporter le remede convenable. Ainsy j’encourray l’indignation de ceulx principalement qui, esloignés des provinces de deçà, n’ont veu le cours et les progrez des affaires. Ceux-là, par l’apparance, me pourront estimer comme aveugle, privé de tout bon jugement ; mais les justes occasions qui m’ont poussé à ceste necessité leur estant divulguées, comme j’espere en brief, ils pourront changer d’advis. Les desportemens, artifices, entreprises, surprises, voleries, massacres, injustices, toutes especes de contraventions dont les ennemis de cest Estat et du repos et tranquillité publique ont usé de puis l’edict de la paix et conference de Nerac, me peuvent servir de deffense. Cependant, pour ne laisser trop engravée une mauvaise impression, ains attendant que je vous puisse representer par un plus long discours tout ce qui nous a esmeu et peut servir à ma justification, j’ay bien voulu sommairement vous touscher par la presente quelques particularitez, pour vous esclaircir de l’intention connue de nous tous, qui sommes de la Religion, qui pour nostre juste deffense avons eu recours aux remedes extremes et à la force des armes. Nous avons par la derniere paix quitté, comme chascun sçait, six ou sept vingt bonnes places, lesquelles, nonobstant la violence de ceulx qui s’y fussent ahurtez, on [auroit] peu si bien garder et pour si long temps qu’en fin ils eussent esté contrainctz nous laisser en repos ; et nous sommes contentés de quinze ou vingt des moindres d’icelles, pour servir de seureté à ceulx qui ne pourroient rentrer ou vivre dans leurs maisons. Cela seul peut tesmoigner que nous desirons la paix ; car aultrement ce eust esté grande simplicité de quitter un tel advantage. Et de faict n’avons-nous pas, au mesme instant qu’elle a esté publiée, faict cesser tous actes d’hostilité ? Neantmoings