Page:Henri IV - Lettres Missives - Tome1.djvu/333

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le poinct qu’il est de la Religion. Et telles difficultez ne sont poinct faictes sans cause, mais pour estranger et reculer, de tout, ceulz qui voudront estre pourveus de quelque estat ou office. Et quant à moy, ne suis-je pas presque privé de l’exercice du mien et de mon Gouvernement ? Mon cousin monsieur le Prince, estant entré dans le [sien], a-il jamais peu obtenir d’y commander, non pas seulement d’adresser des lettres et commissions ? Je ne mettray en avant les exactions, tyrannies et oppressions des aultres gouverneurs, les tourmens et afflictions que les Eglises de Languedoc, Albigeois, Rouergue et Vivarez ont journellement souffertes ; ayant reduict plusieurs au desespoir, et commis des insolences dont tous les gens de bien ne peuvent estre que tres marris. Enfin, estans reduicts en tant de necessitez, voyant qu’ils estoient menacez, courrus à force, volez et meurtris, ils ont eu recours à moy. Je les ay faict patienter longuement, leur donnant esperance que l’on y pourvoiroit. J’ay envoyé leurs plainctes et doleances devers le Roy par plusieurs personnages d’honneur et d’autorité, exprés, et dernierement envoyez [au mois] de janvier par le seigneur de Bouchard, dont on n’a eu encore response ne remede convenable. Bien a-on faict quelque ouverture d’envoyer par deçà une chambre des plus zelez et insignes conseillers de la Court du Parlement de Paris, en forme de Grands-Jours, ce qui n’a esté trouvé bon par la pluspart des Estats ; au contraire on s’est aresté à demander opiniastrement les petites villes accordées pour seureté[1] comme si elles eussent esté entre les mains des estrangers. C’étoit pour nous desnuer et destituer des moyens de retraicte et de deffiance. Cependant nos ennemis se preparoient à la guerre ; Ils en dressoient les estats, avoient le pied à l’estrier ; par

  1. « D’autant que le Roy de Navarre vouloit colorer ce soulèvement de quelque prétexte, qui ne fust pas moins apparentqu’honneste, après que le temps de rendre les places de seureté fust venu et que le Roy les eust demandées (bien qu’avec assez de froideur et plutost pour la satisfaction des catholiques que pour un desir de les ravoir si promptement), il ne laissa pas d’en faire beaucoup de bruit. » (Davila, Histoire des guerres civiles de France, l. VI.)