Page:Henri IV - Lettres Missives - Tome1.djvu/337

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tout en si griefvve afliction, pour le moins en estat tres mauvais, et principalement celles qui sont les plus esloingnées de pouvoir recourir à Vostre Majesté. Et ores que de vostre intention à laquelle je me conformoy pour le regard de la chambre des Grands-Jours, que vous aviez deliberé d’envoyer de pardeçà, on ne deust esperer que tout bien et repos, neanmoins en la convocation et assemblée que vos seneschaux ont faict, en ce gouvernement, de la Noblesse, n’y a eu que brigues et menées pour soubs main faire declairer que ladicte chambre n’estoit aucunement necessaire, prenans leurs pretextes sur la retention des villes, et en nous blasmant de tenir icelles pour le refuge et retraicte des brigands et voleurs ; et tendans par là à nous rendre plus odieux et privez de la justice esgale que nous attendions de vostre bonne deliberation, et de l’eslection que vous aviés commandé estre faicte de bons juges pour l’administration d’icelle. J’ay voulu sommairement toucher ces seuls poincts, réservant à les vous déduire plus amplement avec une infinité d’autres, non moins preignans[1], dans peu de jours ; ayant cependant un tel desplaisir d’avoir esté contrainct et reduict de venir à ceste extremité, que je ne sçauroy sentir pour chose quelconque une plus grande tristesse, pour la crainte mesmement que j’ay d’estre par ce moyen d’autant plus esloingné de vostre bonne grace, que j’ay tousjours cherie et cheriray plus que la conservation de ma propre vie. Et si cela m’afflige d’un cousté, le bien et repos que je desire en cest Estat et qu’en joyssiez heureusement (voyant comme il est par ce moyen grandement alteré et certes avec trop de hasard) ne me donne moins de regret, estant trop notoire qu’il y en a qui couvertement brassent cecy avec une trés mauvaise et pernitieuse intention. Toutefois, Monseigneur, je ne m’esloingneray jamais, pour occasion qui survieigne, de la trés humble et parfaicte obeissance que je vous doibs. Et si, ce Royaume pacifié, je la pouvoy faire paroistre hors d’icelluy, je n’espargneroy ma propre personne pour

  1. C’est-à-dire pressants. C’est la signification que donnent de ce mot pregnant, alors usité, Roquefort et le glossaire manuscrit de Sainte-Palaye.