Page:Henri IV - Lettres Missives - Tome1.djvu/380

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pour vous dire comme, graces à Dieu nous avons fait la paix estimant que serez joyeulx de ces bonnes nouvelles, tant pour l’amitié que me portez que pour la disposition en laquelle nous nous preparons d’aller secourir messieurs des Estats, ayant promis d’y aller avecq Monsieur pour luy servir et faire ce qui est du debvoir de bon compatriote. Mais le desir que j’ay de vous voir ne m’y invite pas moings, vous priant que nous nous entre-aymions toujours avec une bonne intelligence, laquelle je garderay de ma part aultant que sçauriez desirer.

Vostre plus affectionné cousin et plus parfaict amy,


HENRY.



1580. — 28 décembre. — Ire.

Orig. – Arch. du royaume, section historique, série K, carton 99, liasse n° 5.


À MONSIEUR MON ONCLE, MONSIEUR LE DUC DE MONTPENSIER.

Monsieur mon Oncle, C’est à mon tres grand regret que je vous voy en cette peine, non pour doubte des moyens, assez grandz, Dieu mercy, pour vous en tirer, mais pour l’aage auquel vous estes[1], crai-

  1. Ce prince était alors dans sa soixante-huitième année. L’affaire dont l’entretient ici le roi de Navarre fit beaucoup de bruit, et donna lieu à une quantité d’écrits assez bien résumés dans ce passage d’un historien du siècle dernier : « Lorsque le duc d’Anjou s’était sauvé de la cour en 1575, le Roi avait ordonné au duc de Montpensier et au duc de Nevers de courir après le fugitif et de le prendre mort ou vif. Monsieur, étant à Champigny, se rappela un jour [au mois de mars 1580] l’extrême danger qu’il avait couru, et il avoua au duc de Montpensier qu’il lui devait son salut, aussi bien qu’à Ludovic de Gonzague. Montpensier lui répondit qu’il pouvait se dispenser de tant de reconnaissance pour cet étranger ; que, s’ilavait voulu le croire, il n’aurait jamais échappé à la prison ou à la mort. Les malveillants qui entendirent cette conversation ne manquèrent pas de rapporter au duc de Nevers que Montpensier l’avait peint à Monsieur comme son ennemi personnel, et même comme ayant voulu attenter à ses jours. Gonzague, auquel il importait si fort de détromper l’héritier de la couronne, lui envoya un homme de qualité pour lui protester que celui qui l’avait ainsi noirci était coupable d’imposture. En même temps il publia un mémoire dans lequel, sans nommer Montpensier, il donna un démenti formel à celui qui l’avait calomnié auprès de Monsieur. » (Désormaux, Hist. de la maison de Bourbon, t. V, p. 203.) Le duc de Montpensier crut naturellement que le démenti allait à son adresse, et en demanda raison. La plus grande partie de la cour se prononça pour lui. Le duc de Nevers ayant déclaré qu’il n’avait pas entendu contredire les assertions de M. de Montpensier, celui-ci ne se tenait pas encore pour satisfait. Mais Monsieur et le roi de Navarre lui firent remarquer ces paroles de la déclaration du duc de Nevers, qu’il seroit bien marry d’avoir offensé monsieur de Montpensier, et lui conseillèrent de se contenter de ce témoignage de regret. Au mois de juin 1580 Henri III lui écrivit la lettre suivante :
    « Mon Oncle, Je veux bien vous dire et assurer, que de longtemps il n’est advenu chose qui me touchast tant au cœur que le differend survenu entre vous et le duc de Nivernois ; car, vous ayant tousjours tenu, non seulement pour celuy qui m’attouche de proche parenté, mais pour mon second pere, vous devez bien penser que, dans un affaire qui concerne vostre honneur, je ne voudrois manquer à l’affection singuliere que je vous porte. Je vous prie donc, mon Oncle, pour toute l’amitié que vous avez pour moy, de vous resoudre à accepter la satisfaction qui vous est donnée par mon cousin le duc de Nivernois, sans songer à poursuivre l’affaire par voie de faict, dont il ne pourroit naistre que nouveaux troubles et remuemens prejudiciables au bien et au repos de mon Royaume. Du xe juin 1580.
    « Votre bon maistre et amy,


    « HENRY. »

    Malgré cette intervention royale, la querelle ne s’apaisa pas encore, comme nous le voyons par la lettre du roi de Navarre du mois de décembre 1580. Enfin une déclaration de Henri III, donnée à Blois le 18 avril 1581, mit entièrement fin à ce différend.
    Brantôme, qui a immolé le duc de Montpensier à sa verve satirique, en nous laissant de ce prince une peinture tout à fait risible, dont les principaux traits sont l’égoïsme, l’entêtement, une pusillanimité présomptueuse, une avidité et une intolérance excessives, dit de cette affaire : « M. de Nevers donna quelque dementi en l’air ; dont s’ensuivit une grosse querelle, et à qui feroit plus d’amas de ses parens, amys et serviteurs. Sur quoy le roy de Navarre s’envoya offrir à M. de Montpensier, avecques tous ses huguenots, que M. de Montpensier, sans aucun respect pour sa religion contraire à la huguenote, accepta tres voulontiers et fort librement. Il y avoit de l’autre costé M. de Guise avec tous ses bons catholiques (je sçay bien ce que m’en dit un jour M. de Guyse) ; si bien qu’il y eust eu du combat et de la tuerie, sans la deffence du Roy qu’il leur en fit et l’accord qu’il en traicta aprés. »