Page:Henri IV - Lettres Missives - Tome1.djvu/384

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de Caumont, jouisse de la terre de Castelnau, pour le regard des fruicts et revenus comme elle souloit[1], et que l’entretenement de la place soit prins sur les contributions voisines, le tout pour le contentement et gratification de ma dicte cousine, et sans prejudice toutesfois au fond des parties ; et quant à la maison, que mon desir seroit qu’elle fust en main sequestre, et commis à quelque mien serviteur agreable aux deux partis ; ce que vous ferez negocier avec le dict sr de la Force, oultre la charge que j’en ay donnée au sr de Frontenac ; mais il y fault un peu de loisir pour la difficulté des pechans[2] qui y sont, et ne s’en retireront pas volontiers qu’ils ne voient

  1. C’est ici la première mention d’une affaire qui occupa beaucoup et longtemps non-seulement la noblesse du Midi, mais toute la cour, et sur les détails successifs de laquelle nous aurons à revenir plusieurs fois. Geoffroy de Caumont, frère aîné de ce François de Caumont qui fut tué dans son lit à la Saint-Barthèlemy, laissa de sa femme, Marguerite de Lustrac, veuve du maréchal de Saint-André, une fille unique, Anne de Caumont, née posthume, le 19 juin 1574, qui se trouva l’une des plus riches héritières de France. Elle eut pour tuteur Jean d’Escars, comte de la Vauguyon, qui la fiança successivement à ses deux fils. Anne de Caumont, enlevée, dans ce but, à sa mère par son tuteur, voyait en même temps ses droits seigneuriaux attaqués par son cousin germain, Jacques Nompar de Caumont la Force, comme aîné des mâles de la maison. Le passage suivant des Mémoires manuscrits de Geoffroy de Vivans fait connaître l’importance des seigneuries que possédait Anne de Caumont :
    « Le mesme an 1580, monsieur de la Vauguyon ayant enlevé madame la marquise de Fronsac des mains de madame de Caumont, sa mère, dans sa maison de Castelnau, pour la faire espouser au sieur de Carency, son fils, et s’estant saisi de toutes les maisons de la dite dame par le moyen de ceux qui y commandoient, dont il s’estoit asseuré, elle fut reduite à se retirer dans une maison du bourg de Castelnau, et de là chez le sieur de Feyrac ; et de là recourut au secours et assistance dudit sieur de Vivans, lequel, en moins de trois mois, eut remis en son obeissance toutes les susdites maisons, quoique très fortes, qui sont Caumont, Tonneins-dessus, Fauliet, Castelmoron, Goudourville, Gavaudun et les Millandes ; et ainsi ne restoit que Castelnau, Fronsac et Coutras ez mains du sieur de la Vauguyon : du revenu desquels, comme de tous les autres, il fit tousjours jouyr la dite dame par le moyen de son courage et de ses amis. »
  2. La copie très-correcte de l’abbé Leydet donne ce mot pechans, que nous reproduisons sans pouvoir l’expliquer avec certitude. Ce pourrait être une locution familière empruntée de l’espagnol pequeño, pour désigner un vaurien.