Page:Henri IV - Lettres Missives - Tome1.djvu/502

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1582. — 1er juillet. — IIme.

Cop, — Biblioth. de Tours, ancien manuscrit des Carmes, coté M, n° 50, Lettres historiques, p 97. Communiqué par M. le préfet.


À MONSR DE LESDIGUIERES.

Monsr de Lesdiguieres, Vous entendrez par[1] . . . . . . ce qui s’est passé en ceste conference, et la resolution generale qui a esté prinse de se conformer aux edicts du Roy monseigneur, et vivre sous son obeissance en liberté de nostre conscience, laquelle les ennemis de ceste couronne et repos public taschent ordinairement de nous diminuer, restreindre ou abolir. Et j’espere que Dieu nous fera la grace de nous la garder, mais aussi faut-il que de nostre costé nous n’y apportions plus d’empeschement que nos ennemis, et que nous ne coupions pas nous mesmes les ceps de nostre vigne par la desunion et discorde qui a trop gaigné sur nous, et laquelle continuant nous aurons tort de nous plaindre de nos dicts ennemis, qui sont bien souvent en nous-mesmes. Je sçay, Monsr de Lesdiguieres, et le cognois de jour à aultre, que le pays de Daulphiné ne se perd que par ceste occasion[2] ; que si vos volontez et affections estoient unies, il ne seroit besoing que je m’adressasse à vous, comme principal chef de toute vostre noblesse, pour vous prier d’apporter remede à ce mal, et vous prier trez instamment, comme je fais et suis requis de toute ceste assemblée, que vous advisiez à assoupir tellement en vostre pays les querelles, rancunes, inimitiez et mescontentemens qui sont entre ceulx de nostre religion[3], que Dieu en soit loué, son

  1. Le manuscrit de Tours ne donne pas les noms des gentilshommes qui portèrent les lettres de ce jour sur la conférence de Saint-Jean-d’Angely, ni même les adresses de la plupart. L’activité de cette correspondance montre l’importance que le roi de Navarre attachait aux mesures qu’il avait fait adopter par cette assemblée.
  2. On peut voir dans la vie de Lesdiguières combien d’entreprises se faisaient alors contre sa personne.
  3. Lesdiguières, par la noblesse de son caractère, se montrait digne de l’estime que lui exprimait si honorablement son parti, dont le roi de Navarre est ici l’organe. L’expérience des funestes effets de leurs divisions ne pouvait persuader les protestants du Dauphiné « de se soumettre à Lesdiguieres, à qui pourtant, dit l’historien du connétable, ils ne pouvoient refuser plus longtemps l’obeissance, sans offenser le roi de Navarre, qui venoit de lui envoyer par Biard, l’un des siens, un pouvoir plus ample et plus authentique que les precedens. » Le même historien, après avoir raconté avec quelle intrépidité Lesdiguières fit manquer la tentative d’un assassin suscité contre lui par les seigneurs protestants du Dauphiné, termine ainsi : « Lesdiguieres, apres l’avoir civilement repris de ce que, faisant profession de soldat, il s’estoit chargé d’une si lasche commission, le rameine au logis, où le voyant extremement interdit, il continue à luy faire toute sorte de bon traitement afin de le rassurer ; et le lendemain luy donnant congé pour s’en retourner : « Mon gentilhomme, luy dit-il, faites mes recommandations à ceux qui vous ont envoyé, et leur dites qu’ils ne sçauroient se deffaire de moy sans perdre le meilleur amy qu’ils ayent. » (Histoire du connétable de Lesdiguières, par Louis Vidal. Paris, 1638, in-fol. p. 48.)