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1571. — 9 mars.

Cop. – Arch. du Royaume, section historique, Arch. de Simancas. B. 31, pièce 63.

[AU ROY, MON SOUVERAIN SEIGNEUR.]

Monseigneur, Comme je ne veux pas juger si Don François[1], ambassadeur du Roy Catholique pres de Vostre Majesté, a esté adverty ou non qu’il se faict à présent quelque assemblée de gens de guerre à la Rochelle et en Brouage pour dresser une armée de mer pour entreprendre quelque chose ou sur le roy son maistre, es Indes, ou bien en ses Pays Bas[2], si veulx-je bien au vray asseurer Vostre Majesté que je ne voy et n’ay veu jusques à present argument, quel qu’il soit, sur lequel luy ou ceulx qui pour le mettre en deffiance luy donnent cest advis, se soient peu justement fonder. Et où il seroit aultrement, je ne serois pas excusable, d’aultant que telles choses ne se pourroient, estant où je suis à present, poursuivre et manier sans que j’en eusse cognoissance. Laquelle ayant, je sçay tres bien, graces à Dieu, ce que je doibz en ung tel faict commander pour vostre service, et ce que les aultres me doibvent satisfaire au departement de ma charge et à voz edictz et ordonnances. Entre lesquelles à bon droict

  1. Don Francois de Alava, ambassadeur d’Espagne en France, au mois de février 1564, était encore à Paris avec ce titre le 22 octobre 1571. Il fut rappelé à la fin de cette année, suppléé d’abord par le secrétaire d’état Anguilem, qui fit l’intérim, et remplacé en 1572 par don Diégo de Cuniga.
  2. Cette lettre-ci paraît avoir le caractère d’un désaveu officiel destiné à être adressé au gouvernement espagnol, par suite d’un accord secret entre Catherine de Médicis et Jeanne d’Albret. C’est du moins ce qui semble ressortir de l’histoire de cette princesse, par mademoiselle Vauvilliers. Catherine de Médicis, après la mort de la reine d’Espagne sa fille, avait fait offrir à Jeanne de se réunir pour attaquer Philippe II. « La reine Jeanne alors crut ou parut croire à une entreprise que tout pouvait justifier, et, sans perdre un instant, ou comme si elle eût voulu éprouver Médicis, elle équipa, avec Coligny, une flotte destinée à agir contre le cabinet espagnol ; c’était, suivant elle, le frapper à mort que de l’attaquer dans ses possessions d’Amérique. » (Histoire de Jeanne d’Albret, tome II, p. 319, 320.) La cour de France devait agir dans les Pays-Bas.