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Mais j’ay tousjours pensé qu’il valoit mieulx que les aultres amendassent leurs desportemens sur les nostres que si nous empirions les nostres sur les leurs. Et, au reste, oultre ce que la paix est si desirable en elle mesme et si necessaire à cest Estat, qu’elle merite bien d’estre racheptée par beaucoup de grandes peines, et de mediocres maulx, croiés, Monsieur mon Cousin, que ce ne m’est pas une petite exhortation à patienter pour la retenir, quand je considere, comme m’escrivés, qu’elle est utile au bien de vos affaires, et pourroit estre, si nous venons enfin à nous reveiller, dommageable et ruineuse à ceulx qui vous pressent. Or je prieray Dieu, Monsieur mon Cousin, qu’il vous ait en sa saincte garde.

...............


[HENRY.]



1583. — 31 juillet. — Ire.

Imprimé. — Henrici, Navarrorum regis, epistolæ, etc. Utrecht, 1679, in-12, p. 257.


AMPLISSIMIS ET PRUDENTISSIMIS CONSULIBUS REIPUBLICÆ ET CIVITATIS ***.

[1] Amplissimi et Prudentissimi Viri,

Cum nihil si nobis summa Dei misericordia concessum majus aut præstantius quam delapsa e cœlo et divinitus constituta religio,

  1. Voici la traduction de cette lettre :

    AUX MAGNIFIQUES ET TRÈS PRUDENTS SEIGNEURS LES CONSULS DE LA RÉPUBLIQUE ET CITÉ DE .....

    Magnifiques et très prudents seigneurs,

    La souveraine bonté de Dieu ne nous a doté d’aucun bien plus grand et plus précieux que de la Religion, cette fille du Ciel, établie de Dieu. Aussi est-ce un devoir pour tous les hommes d’unir leurs efforts d’esprit et de cœur pour la conserver dans leur temps, et la transmettre pure et sans tache à leurs successeurs. C’est là une obligation surtout pour ceux qui, placés au faîte des dignités, ont été ainsi constitués en quelque sorte par le Seigneur les tuteurs et gardiens de son Église. Telle est la position des princes et des États que Dieu a suscités de nos jours pour la conservation et la propagation de son nom et de sa gloire.

    Conformément à l’ordre que nous a laissé notre souverain roi et pontife, de ne former qu’un, c’est un devoir pour tous ceux qu’il a élevés au rang de chefs d’États, d’être unis dans une sainte et véritable concorde, pour que, toutes les forces étant mises en commun, ils puissent étendre le culte de la vraie religion et repousser les attaques impies du monstre de Rome.

    Il est bien déplorable cependant, Magnifiques et très-prudents Seigneurs, que malgré tant d’efforts et de zèle, déployés jusqu’ici pour amener à l’unité de doctrine tous ceux qui, grâce à la lumière de l’Évangile, se sont délivrés des superstitions de Rome, afin de pouvoir repousser les attaques ouvertes de nos ennemis communs, ces efforts chrétiens n’aient point encore eu le résultat qui cependant serait si nécessaire pour la conservation et le salut des Églises. Ces motifs nous avaient engagé et en quelque sorte enflammé à entreprendre un voyage lointain, dans le but de visiter les illustrissimes princes du Saint Empire romain, les chefs des États puissants et les autres membres des divers ordres qui avaient embrassé le culte du saint Évangile ; pour jouir de l’entretien plein de douceur de tant de personnages éminents, et surtout afin de prouver à tout le monde quels étaient notre zèle et notre ardeur pour conserver et propager la saine doctrine.

    Nous voulions entreprendre ce voyage, non que nous nous imaginions que nos bonnes intentions et notre rang fussent au-dessus du zèle et de l’autorité des hommes savants de l’Église, mais parce que nous voulions aussi aider en quelque chose par nous-même à l’établissement de la paix que nous désirons, et faire comprendre aux adversaires de cette sainte entreprise, que dans beaucoup de pays et de royaumes ce salutaire dessein est propagé par un concours nombreux.

    Mais un motif fort grave pour les personnes éloignées des innovations, et qui touche aux premiers intérêts de ceux de notre religion, nous a fait changer de dessein et nous a décidé à rester dans ce royaume. Beaucoup de gens, et surtout les pontifes de Rome, toujours mus par leur haine native et invétérée pour la vérité, cherchant leur profit dans le malheur des autres, et jugeant utile que leurs voisins soient troublés par la discorde et la guerre, font leurs efforts pour chasser la paix de ce florissant et puissant royaume. Ils emploient tous les moyens, la corruption, les menaces, les séductions, pour s’efforcer de troubler le repos dont jouissent nos Églises. Et quoique le sérénissime Roi de France veuille maintenir la paix et la tranquillité dans son royaume, et en ait fait la promesse dans plusieurs édits, sachant que beaucoup de monarques et de puissances cherchent à rallumer la guerre civile qui a déjà failli ruiner ce pays, nous avons pensé que notre présence ici pourrait servir beaucoup au maintien de la paix, et nous nous sommes décidé à faire prier par ambassadeurs ceux qui, suivant leur ancienne bienveillance pour la France, veulent que la gloire et la majesté de la couronne restent intactes, d’aider le sérénissime Roi, autant que le réclame l’intérêt général de l’Europe, à se servir de tout son pouvoir et de toute son autorité pour conserver la paix dans son royaume. En conséquence, Magnifiques Seigneurs, nous avons chargé de cette légation le sieur de Ségur, surintendant de notre maison et chef de notre conseil privé, qui a toujours mis sa gloire aux plus louables entreprises, surtout à travailler à l’établissement de la paix, et qui, au jugement même de ses adversaires, est l’homme de la noblesse de France qui a montré le plus d’habileté et de sagesse l’accomplissement de cette œuvre.

    Sachant que, depuis longues années, votre État a travaillé de toutes ses forces, et avec une si grande prudence, à la défense du saint Évangile, nous avons ordonné à M. de Ségur d’offrir nos salutations à Vos Magnifiques Seigneuries ; de leur demander conseil ; de les assurer de tout notre dévouement, de nos soins, de notre zèle pour protéger et faire avancer l’œuvre commune. Nous vous prions surtout, Très-prudents Seigneurs, de réfléchir mûrement et sagement sur les paroles de notre envoyé, au sujet des dangers communs de toutes les Églises de l’Europe et des moyens qui nous ont semblé les meilleurs pour dissiper ces dangers. Quant à ce qui nous regarde nous-même, vous l’apprendrez par lui ; et nous vous prions d’accorder à ses paroles une attention et une confiance telles qu’il les mérite, et comme y a droit notre recommandation à Vos Seigneuries. Veuille le Seigneur conserver dans longtemps votre État heureux et florissant pour la gloire de son nom. Adieu, Magnifiques et Très-prudents Seigneurs.

    De Nérac, la veille des calendes d’août 1583.

    Votre bon ami,

    HENRY :


    L’ALLIER.

    Salut et respects.