Page:Henri IV - Lettres Missives - Tome1.djvu/614

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Majestés, je ferois quelque tort à vostre bon naturel si j’entreprenois d’en estre plus soigneux de loing que Vos Majestez de prés, et à vostre prudence et sagesse, si je pensois pouvoir voyr d’icy ce qu’elles n’apperceussent poinct sur les lieux ; et à quoy, l’ayant une foys apperceu, je ne pouvois doubter qu’elles ne sceussent tres bien pourveoir selon l’importance qu’elles y cognoistroyent. Bien vous diray-je, Monseigneur, que j’estois resolu, quand ma femme prendroit son chemin vers moy, de la prier de s’en deffaire avec le moins de bruit qu’elle pourroit, tant pour les causes pour lesquelles vous les avés jugées indignes d’approcher de vostre sang et maison, que pour avoir cogneu les dangereux artifices dont elles[1] sçavent user pour troubler une saincte amityé, et diviser ou esloigner d’affection ce qui ne peult jamais estre trop conjoinct. Je m’asseure, Monseigneur, que quand ma femme aura sçeu ce qui en est, elle ne pourra qu’elle ne recognoisse l’honneur que Vos Majestés luy font d’avoir tant de soing de la dignité et reputation de sa personne et maison, et estimera tres mal employée l’amitié qu’elle auroit cy-devant monstrée à personnes de ceste condition, en l’esloignement desquelles, sy elles les eust bien recogneues, elle n’eust esté prevenuë de personne. Qui fera qu’elle recevra de tant meilleur cœur les personnes d’honneur, hommes et femmes, desquelles il plaira à Vos Majestés l’accompagner pour son voyaige. Et de ma part je ne fauldray à l’en pourveoir au plus tost, selon le lieu qu’elle tient et dont elle est issuë, obeïssant au commandement qu’il plaist à Vos Majestés m’en faire, et satisfaire au debvoir dont je suis tenu en cest endroit. Au reste, Monseigneur, il n’est pas besoing que je vous die que je la desire extresmement icy, et qu’elle n’y sera jamais assés tost venue. Car vous me faictes bien cest honneur de croire que je cognois l’honneur que ce m’est de vous attoucher de si prés, par elle ; qui ne me peut qu’engendrer un desir de vous monstrer, en luy rendant la parfaicte amitié que je luy doibs, le respect et la reverence que je vous porte.


[HENRY.]
  1. Au lieu de ils que donne le texte de Mornay. Cette correction nous a paru nécessaire.