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V
introduction

devoir pénible, mais comme d’un devoir tout court. Ils s’imaginent avoir reçu je ne sais quelle consigne à laquelle ils ne veulent pas manquer. Pour les autres le travail est avant tout un besoin, un plaisir ; ils aiment leur œuvre comme l’artiste aime la sienne. Ce sont leurs tempéraments divers qui expliquent ces divergences, et la différence des caractères contribue ainsi à former la différence des esprits.

Tous, d’autre part, sont des passionnés ; leur passion, qui est l’amour de la vérité, l’amour de la science, est généralement muette, mais elle n’en est pas moins ardente. Tous, par conséquent, sont en un sens des hommes de foi ; toute passion suppose une foi ; tout mobile d’action est une foi ; c’est la foi seule qui donne la persévérance, qui donne le courage. Et cependant, on n’est pas un savant si on n’est doué d’esprit critique, qui semble exclure toute espèce de foi et qui souvent fait prendre les hommes de science pour des sceptiques. Qu’est-ce à dire ? Quand