Page:Henry - Les Littératures de l’Inde.djvu/29

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Des deux frères dont l’œil commun est Sûrya « le Soleil », l’un, Mitra, vague entité du ciel diurne, est loin d’avoir atteint la haute fortune où plus tard l’élèvera, jusqu’à le faire rivaliser avec le christianisme naissant, la propagande persane ; mais l’autre, Varuna, qui préside sur la voûte nocturne, est un dieu bien vivant et d’une personnalité fort accusée. La nuit est l’heure du crime inaperçu ; mais le ciel l’a guetté par les mille yeux de ses étoiles : c’est lui qui se chargera de le punir. Varuna devient donc le Très-Haut qui venge l’innocence opprimée, l’implacable qui châtie ou le miséricordieux qui pardonne, et il fond en sa substance les deux sublimités que le génie d’un Kant n’a pu qu’associer dans la vénération de sa pensée.

Si Varuna est le dieu moral par essence et presque l’unique, on doit au védisme cette justice, qu’il n’a point de dieu méchant. Le seul qui revête cet aspect, le sauvage Rudra, qui habite les montagnes forestières du Nord d’où il envoie l’épouvante, la fièvre et les fléaux, paraît tout au moins avoir emprunté nombre de ses traits à quelque monstre autochtone, adoré des indigènes avant l’invasion des Âryas. Encore les a-t-il adoucis sous l’influence aryenne : l’Apollon formidable du Ier Chant de l’Iliade est aussi le père de la médecine ; ainsi de Rudra l’archer, qui connaît tous les simples vivifiants. Néanmoins, le sentiment de ceux qui l’abordent est toujours celui d’une méfiance caute-