Page:Henry - Les Littératures de l’Inde.djvu/85

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passif de la pantomine qu’elle lui joue. Seulement, de même qu’un pur cristal se teinte de la couleur d’un objet placé devant lui, le Moi, comme un miroir, reflète les images variées que déploie la Nature fertile en illusions. Elle est l’aveugle qui marche, il est le voyant infirme : à eux deux ils créent le monde ; et, en effet, y aurait il quelque chose, s’il n’existait une conscience pour s’en apercevoir ?

Dans une pareille doctrine, il n’y a évidemment point de place pour un Dieu, et, révérence gardée au Véda, elle s’en explique sans ambages : si Dieu était en équilibre, rien ne l’inciterait à créer ; sinon, il serait une des 23 entités secondaires, il ne serait pas Dieu.

Mais pourquoi faut-il que le Moi soit impassible et inerte, indifférent à toute action ? vue profonde, on vient de le dire, mais répugnante au premier abord. C’est apparemment, que, s’il n’était dépourvu des qualités, il évoluerait, lui aussi, et dès lors se développeraient deux créations parallèles. Mais l’hypothèse est susceptible également d’une démonstration a posteriori, dont le bouddhisme ultérieur ne se fera point faute : le premier sermon du Buddha, après son illumination, roule sur ce thème, varié à satiété dans l’école, que ni sensation, ni perception, ni fait psychique quelconque, n’est le moi ; car si la sensation était le moi, on pourrait à volonté éprouver ou ne pas éprouver telle on telle