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LE HAREM.


Dites-lui que je suis plus noir que ses bottines ;
Qu’une énorme crinière ondule sur mon front,
Mais que sur mon lit veuf de pudiques courtines,
Ma maîtresse est fidèle et le sommeil est prompt ;

Dites-lui qu’aujourd’hui j’erre dans la campagne,
Mes flèches sur le dos, et mon arc à la main ;
Dites-lui que, couvert modestement d’un pagne,
Je cherche le dîner que je cuirai demain.

A celle que j’aimais dans votre ville sombre,
Dites que ma négresse, à l’heure du soleil,
En plein midi, debout pour me faire de l’ombre,
Se tient en souriant et guette mon réveil ;

Dites-lui qu’au retour elle n’est jamais lasse ;
Que je suis son seigneur ; que son amour est tel,
Qu’elle porte gaîment sur l’épaule ma chasse,
Tandis que je la suis en mâchant du bétel.

Dites à cette fille implacable et débile
Qui meurtrissait mon cœur entre ses petits doigts,
Qu’ici je peux tuer qui m’échauffe la bile
D’un coup de casse-tête, et que je fais les lois !