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BOURSES DE VOYAGE

rades moins favorisés, qui l’acclamaient de grand cœur.

On n’est pas sans avoir remarqué la diversité des noms des neuf lauréats, qui indiquait des origines différentes au point de vue de la nationalité. Cette diversité s’expliquera par cela seul que l’établissement que dirigeait M. Julian Ardagh à Londres, Oxford Street, 314, était connu, et très avantageusement, sous la dénomination d’Antilian School.

Depuis une quinzaine d’années, cet établissement avait été fondé pour les fils de colons originaires des grandes et petites Antilles, — de l’Antilie, comme on dit actuellement. C’était là que les élèves venaient commencer, continuer ou achever leurs études en Angleterre. Ils y restaient généralement jusqu’à leur vingt et unième année, et recevaient une instruction très pratique, mais aussi très complète, à la fois littéraire, scientifique, industrielle, commerciale. Antilian School comptait alors une soixantaine de pensionnaires, qui payaient un prix assez élevé. Ils en sortaient aptes à toutes les carrières, soit qu’ils dussent demeurer en Europe, soit qu’ils dussent retourner en Antilie, si leurs familles n’avaient point abandonné cette partie des Indes occidentales.

Il était rare, au cours de l’année scolaire, qu’il ne s’y rencontrât pas, en nombre inégal, d’ailleurs, des Espagnols, des Danois, des Anglais, des Français, des Hollandais, des Suédois, même des Venizolans, tous originaires de cet archipel des îles du Vent et des îles sous le Vent dont les puissances européennes ou américaines se partageaient la possession.

Cette école internationale, uniquement affectée aux jeunes Antilians, était alors dirigée, avec le concours de professeurs très distingués, par M. Julian Ardagh : âgé de cinquante ans, sérieux et prudent administrateur, il méritait avec juste raison toute la confiance des familles. Il avait un personnel enseignant d’une incontestable valeur, fonctionnant sous sa responsabilité, qu’il s’agît des lettres ou des sciences ou des arts. On ne négligeait pas non plus, à Antilian School, ces entraînements physiques, ces exercices de sport si recommandés, si pratiqués dans le Royaume-Uni, le cricket, la boxe, les joutes, le crocket, le foot-ball, la natation, la danse, l’équitation, le bicyclisme, enfin toutes les branches de la gymnastique moderne.

M. Ardagh s’appliquait aussi à resserrer, à fusionner les divers tempéraments, les caractères si mélangés que présentait une réunion de jeunes garçons de nationalités différentes, à faire autant que possible de ses pensionnaires « des Antilians », à leur inspirer une sympathie durable les uns pour les autres. Il n’y réussissait pas toujours comme il l’aurait voulu. L’instinct de race, plus puissant que le bon exemple et les bons conseils, l’emportait parfois. Enfin, ne restât-il que quelques traces de cette fusion au sortir de l’école, et cela dût-il avoir quelque résultat dans l’avenir, ce système de co-éducation valait d’être approuvé et faisait honneur à l’établissement d’Oxford Street.

Il va de soi que les multiples langues en usage dans les Indes occidentales étaient courantes entre pensionnaires. M. Ardagh avait même eu l’heureuse idée de les imposer à tour de rôle pendant les classes et les récréations. Une semaine, on parlait l’anglais, une autre, on parlait le français, le hollandais, l’espagnol, le danois, le suédois. Sans doute les pensionnaires de race anglo-saxonne se trouvaient en majorité dans cet établissement, et peut-être tendaient-ils à y imposer une sorte de domination physique et morale. Mais les autres îles de l’Antilie y étaient représentées en proportion suffisante. Même cette île de Saint-Barthélemy, la seule qui dépendit des États Scandinaves, possédait plusieurs élèves, entre autres, Magnus An-