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petits, réparés tant bien que mal… plutôt mal que bien… Bah ! cela valait encore mieux que de garder par devers soi, chacun de son côté, le souvenir de cet incident, sans s’en être expliqués.

Aussitôt sorti de table, de Kosen appela Germain et commanda :

« Rendez-vous au château. Le chemin doit avoir été déblayé, si on a exécuté mes ordres. Emportez seulement mon nécessaire de toilette.

— Penses-tu donc ne pas rester ici, mon petit ? s’exclama grand’mère. S’il me fallait te voir t’en aller chaque soir, par cette neige, je n’en dormirais pas. Tu es venu pour moi, tu coucheras sous mon toit.

— Bien volontiers. C’était pour ne pas causer d’embarras à Claire que je…

— Vous n’avez pas tort de mettre en doute mes talents de maîtresse de maison ; ils vont cependant jusqu’à pouvoir sortir des draps d’une armoire ; demandez à Germain.

— La chambre de monsieur le baron est prête, affirma celui-ci. Comme je servais à table, Modeste s’en est occupée pendant le dîner.

— A-t-elle commencé par allumer le feu, ainsi que je le lui avais recommandé ? s’informa Claire.

— Oui, mademoiselle ; la pièce est déjà chaude, s’empressa d’affirmer Germain, à qui la perspective de faire un kilomètre dans la neige ne souriait pas du tout.

— Vous occuperez la chambre de Rogatienne, mon cousin, annonça la jeune fille. Elle touche à celle de grand’mère.

— Eh bien, et toi ? demanda celle-ci.

— Je reprends la mienne.

— Je vous oblige à déménager ; vous auriez pu m’installer là-haut. »

Elle secoua la tête :

« Non, non, là-haut, c’est mon domaine.

— Alors, voilà qui est entendu. Avez-vous également un lit à donner à mon valet de chambre ?

— Mais oui, dans les communs il y a trois pièces ; c’est arrangé, n’est-ce pas, Germain ?

— Théofrède s’en occupe, mademoiselle.

— Demain, sitôt levé, dit de Kosen, vous irez au château et vous ferez allumer du feu partout. »

Puis, se tournant vers les deux femmes :

« Après le déjeuner, nous pourrons nous y rendre, avec le traîneau, s’il fait un rayon de soleil. Dans ses fourrures, grand’mère ne craindra rien du froid.

— Bonne idée ! s’écria Claire. Elle qui désirait tant sortir ces jours derniers ! vous mettrez le comble à sa joie, si, grâce au précieux traîneau, vous la conduisez à la messe pour la Noël.

— Rien de plus facile.

— Mes enfants, vous allez trop me gâter, se récria l’aïeule. Quand le bon Dieu me fera signe, je ne pourrai plus me résigner à dire amen. Pour le château, mon petit, tu peux être tranquille. Tu as de braves gens comme gardiens. Théofrède voit fumer les cheminées au moins trois fois par semaine, et, au premier rayon de soleil, les volets sont ouverts. »

Restait à organiser les soirées. Ce fut grand’mère qui trouva le moyen de tout concilier.

« Mes pauvres jambes réclament d’être allongées de bonne heure, dit-elle, mais je ne m’endors guère qu’à onze heures ou minuit. Claire m’aidera à me coucher, comme tous les soirs, puis tu viendras nous rejoindre, Hervé, et vous veillerez tous les deux à côté de moi.

— C’est cela. Je vous lirai…

— L’Évangile et l’Imitation, ajouta la jeune fille, avec un sourire narquois.

— L’Évangile et l’Imitation, si cela plaît à grand’mère, repartit Hervé sur le même ton. Cela nous profitera à tous. Nous passerons ensuite à des choses moins graves. Je ne connais pas les livres que j’ai apportés. Ils sont du choix de « ma sœur Thérèse » ; elle ne m’a pas jugé compétent. »

Hervé glissa un regard du côté de Claire ;