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Page:Hippocrate - Œuvres complètes, traduction Littré, 1839 volume 6.djvu/21

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proche plus vraisemblable que celui qu’ils leur adressent. En effet, demander à l’art ce qui n’est pas de l’art, ou à la nature ce qui n’est pas de la nature, c’est être ignorant, et l’être d’une ignorance qui tient plus de la folie que du défaut d’instruction. Dans les choses où il nous est donné d’avoir le dessus à l’aide des instruments fournis et par la nature et par les arts, nous pouvons opérer ; mais, dans les autres, nous ne le pouvons pas. Lors donc qu’un homme éprouve un mal plus fort que les instruments de la médecine, il ne faut pas sans doute espérer qu’elle en triomphe. Soit par exemple le feu : des caustiques médicaux, c’est celui qui brûle au plus haut degré ; beaucoup d’autres caustiques brûlent à un degré moindre. Les affections rebelles aux caustiques moins puissants, évidemment ne sont pas encore incurables ; mais les affections rebelles au caustique le plus puissant, ne sont-elles pas incurables manifestement ? Là, en effet, où le feu échoue, comment ne pas voir que ce qu’il ne consume pas réclame indubitablement l’emploi d’un art autre que celui dont le feu est l’instrument ? J’en dirai autant des autres agents dont se sert la médecine : pour tous, je maintiens que le médecin à qui l’un quelconque fait défaut est en droit d’accuser non son art, mais la violence de la maladie ; donc, ceux qui le blâment de ne pas toucher au malade vaincu par le mal, lui conseillent de consacrer ses soins autant au cas qui ne les comporte pas, qu’à celui qui les comporte. Mais pour un tel conseil, s’ils sont admirés par les médecins de nom, ils sont moqués par les médecins de fait. Les gens habiles dans l’art médical ne tiennent compte ni de censeurs ni de preneurs aussi insensés, maïs ils tiennent compte de ceux qui savent en quels cas les opérations du praticien, atteignant le but, sont complètes, ou, ne l’atteignant pas, sont défectueuses, et, parmi ces imperfections, quelles sont imputables à l’opérateur et quelles à l’opéré.