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« de tel mal, de delaissier vostre terre veuve, seulle et morne. Pour tant, chier signieur, plaise vous a remarier, affin que de vous puissons avoir hoir et lignée dont le pays puist estre restore. »

« Et le conte avoir oyes toutes ces parolles, leur respondist : « Vous parles envain, et battes leaune, car je suis ou je desmourray et la où je finiray mes jours. »

« Et lors tous ceulx des troys estas respondirent ensemble : « Redoubte signieur, ainsy ne sera, car vous aves a issyr (sortir) et assallir (en aller) hors seans, et a vous marier, car vous povez aussy hien fayre votre sauvement (salut) en lordre de mariage, comme en quelquonque religion ; pour quoy ne vous veuillie desplayre, car il vous convient marier, pour le quel mariage vous puissiez avoir lignée, par la quelle vostre pays puisse estre maintenus en justice et restore de ligne en ligne, dont le pays ne viegne en estringes mains, et trop plus de bien porres fayre que destre mille ans avecques ces moynes. »

« Le conte estoit moult et desplaysant (ennuyé), et aussy estoyent les moynes et labe, et firent dure et grande résistence ; maiz à la fin, les prélas et les barons et nobles et le peuple prindrent labe et les moynes appart, et leur jurarent que ce ilz ne faisoyent tant que le conte yssist (sortît) de leans, quilz boutteroyent le feu en labaye, et quilz destruyroyent la religion en telle manyere, que jamaiz lon ny chanteroyent messe. Et lors firent tant que le conte leur accorda de soy marier, maiz quilz ly trouvasse femme convenable.

« Quant labe et les moynes heurent oys parler si fierement ceulz des troys estas, ilz prindrent a fremir de paour, et tous plourans allerent vers leur signieur le conte, et ly